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Ce numéro spécial est le produit d’un colloque international qui s’est déroulé à Bordeaux en juin 2014 dont le thème s’inscrivait totalement dans les problématiques de la revue IJVS : « Oser l’Autre. Climats, violences et vulnérabilités scolaires en questions ». Il fut initié sous l’impulsion de chercheurs français et étrangers de l’AISLF (Association Internationale des Sociologues de Langue Française) venant de créer un nouveau groupe de travail en son sein (GT 11 : « sociologie des violences scolaires »).
Les communicants interrogèrent ainsi les problématiques complexes liées aux violences à l’école autour desquelles le climat (effet-établissement, constitution des classes, relations à l’Autre, enquête de victimation, évaluation des politiques publiques…) et vulnérabilités scolaires (difficultés, handicaps, fragilités, stigmatisations) sont, entre autres, autant de facteurs, voire de révélateurs, des tensions d’une école française obligatoire jusqu’à 16 ans. En résumé, « Oser l’autre à l’école, oui... mais comment ? », se posa comme le fil rouge de la problématique de ce colloque.
Les huit articles sélectionnés par nos soins, expertisés en double aveugle et publiés ici révèlent toute la complexité et l’aspect multifactoriel des violences scolaires comme fait social qui conduisent à privilégier l’approche systémique de la problématique susvisée.
Dans l’ordre chronologique d’apparition des articles, les deux premiers interrogent dans des registres différents des réponses institutionnelles ciblées.
Stéphanie Rubi examine la place des filles dans les conduites violentes commises dans l’enceinte scolaire en interrogeant le modèle des socialisations sexuées appréhendé comme un « régime de genre ». Cette forte variabilité dans la sexuation des actes de violence est analysée sous l’angle d’une des réponses institutionnelles que sont les exclusions temporaires.
Pour François Durpaire et Béatrice Mabilon-Bonfils, l’école française a d’abord été construite pour « faire du commun ». Or, aujourd’hui les conditions du projet émancipateur républicain ont radicalement changé avec l’émergence d’une société multiculturelle. L’ « indifférence subjective » se nourrit d’une « différenciation objective » porteuse potentiellement de discriminations ethniques et d’altérisation scolaire, notamment portée par le traitement de l’Islam dans les manuels scolaires.
Dans un second temps, trois articles questionnent la mise en jeu corporelle sous divers angles.
Tout d’abord, l’article de Mickaël Vigne propose une première approche quantitative et comparative à propos de la connaissance et de la pratique des « jeux dangereux » chez les jeunes âgés de 6 à 15 ans. Après la présentation des différents modes opératoires et un questionnement terminologique de l’expression elle-même, il propose une réflexion autour de la sensibilisation des jeunes scolarisés : constitue-t-elle un risque de pratique initiatique ou permet-elle vraiment de limiter les dangers de ces pratiques physiques dangereuses émergentes dans les écoles et autres lieux institutionnels éducatifs ?
S’intéressant de façon spécifique à l’expérience quotidienne d’élèves de CM2 en cours de récréation, Clémence Boxberger saisit au plus près les modalités de construction des justices entre pairs et la place qu’y occupe la violence et le harcèlement. À travers, l’étude des situations litigieuses de l’univers de « l’entre-enfant » ? du moindre désaccord à la dispute violente ?, cette recherche offre une lecture originale des désaccords entre pairs à l’école élémentaire.
De leur côté, Sophie Necker et Sabine Thorez-Hallez étudient des dispositifs de pratique artistique en contexte éducatif (danse contemporaine et théâtre-forum). Ce travail, réalisé à partir de cadres sociologique et didactique, représente une voie d’analyse des leviers et processus en jeu dans la construction d’une relation à soi et à l’autre pacifiée. Il débouche sur des hypothèses prometteuses concernant les mécanismes par lesquels ces pratiques pourraient participer au développement, au maintien et/ou à la restauration d’un climat positif en milieu éducatif.
Les trois derniers articles examinent des problématiques communes à l’ensemble de la communauté éducative que ce soit dans le rapport des élèves à l’école, dans l’accompagnement de l’évolution des pratiques des adultes ou celui d’un partenaire peu connu ou reconnu, le médecin scolaire :
La recherche présentée par Gendron et al. se donne pour objectif d’identifier les facteurs pouvant influencer le rapport à l’école chez des jeunes québécois âgés de 10 à 17 ans à partir du concept de persévérance scolaire. En fonction des différents profils, les perceptions des élèves sont analysées pour mettre à jour les éléments favorisant la construction d’un rapport positif à l’école et de leur niveau d’engagement ainsi que les facteurs qui fragilisent face à l’obtention d’un diplôme. Résolument tournée vers les adultes, la recherche-action menée durant deux ans par Laurence Bergugnat et Sylvie Barbier, auprès d’une équipe éducative en collège, révèle comment l’évolution des pratiques dans le travail éducatif et pédagogique auprès des élèves peut être accompagnée, celle-ci facilitant les réussites des personnels et des élèves. Elles démontrent que l’intervention en milieu scolaire peut, en développant un accompagnement spécifique, participer à la construction de savoir-en-actes, en coopération avec tous les acteurs de l’établissement. En tant que médecin de santé scolaire, Caroline Genet fait le constat que depuis bientôt 10 ans, les mentalités autour de la prise en charge des élèves en situation de handicap ont considérablement évolué et, par contrecoup, la prise en compte des autres élèves à besoins particuliers également (troubles des apprentissages, souffrance psychique, troubles du comportement, etc.). Les discours recueillis lors de l’analyse de trois situations, issues de l’observation, révèlent combien l’exercice reste parfois difficile pour les enseignants confrontés à des élèves déroutants, agités et/ou violents. Il s’agit donc de dégager des pistes visant à améliorer en équipe, la prise en charge de ces élèves d’un abord difficile et à faciliter la tâche de ces enseignants désorientés.
Les contributions à ce numéro spécial sont le reflet de questionnements et de problématiques de recherches actuelles qui, loin de clôturer les débats, forment le vœu de stimuler la recherche pour une invitation toujours renouvelée à la réflexion et parfois à l’action.
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