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4 - Analyse d'un dispositif de prévention des violences dans le football : observation participante et resistances institutionnelles by Philippe Liotard, Université de Lyon 1, CRIS, EA 647 Theme : International Journal on Violence and School, n°6, November 2008 |
L’article analyse la mise en place d’un dispositif de prévention de la violence dans le football en Région Languedoc-Roussillon. Il s’appuie sur l’implication d’un sociologue sollicité pour organiser une étude de la manière dont les différents acteurs identifient les violences, interprètent leur origine et envisagent des manières de les réguler. L’implication du sociologue au sein du dispositif a permis de mettre en évidence le jeu des pouvoirs au sein de l’institution et les enjeux de l’échange entre acteurs des différentes « familles » (joueurs, éducateurs, arbitres, élus…). La participation du sociologue a fourni aux acteurs un regard extérieur offrant certaines clés de lecture des mécanismes producteurs de violence. Elle a enfin mis en évidence la possibilité pour les acteurs d’agir à tous les niveaux, dès lors qu’ils s’appropriaient un projet de prévention. |
Keywords : Football, Violence, Sociologie.
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Click on the title to see the text. INTRODUCTION Sans résulter d’une recherche au sens strict du terme, ce qui suit résulte du regard porté par un sociologue sur le dispositif de prévention pour lequel il a été sollicité à ses différentes étapes : sa phase de conception, sa phase de mise en œuvre et sa phase d’évaluation. Il ne s’agit donc pas d’un travail scientifique élaboré selon un protocole académique. Il s’agit plutôt d’une analyse a posteriori de l’impact de ma position de sociologue sur le travail de réflexion auquel j’ai été associé. Dans cet article, je vais rendre compte de mon implication dans un dispositif de prévention de la violence dans le football au sein de la Ligue Languedoc-Roussillon (France). Le compte-rendu présenté va tenter le pari de restituer à la fois de ce que j’ai perçu en tant qu’observateur impliqué, et de faire émerger comment ma présence elle-même a pu infléchir le dispositif, à partir du moment où j’étais clairement identifié comme sociologue. L’enjeu est donc double. Il s’agit d’une part d’exposer les résistances institutionnelles aux changements, changements pourtant nécessaires pour répondre aux objectifs fixés par l’institution elle-même. Par ailleurs il s’agit de fournir quelques pistes permettant de saisir comment ces changements peuvent provenir malgré tout de l’institution, malgré les résistances et à condition que les acteurs, quels qu’ils soient, se saisissent de leur propre pratique pour impulser les changements qui leur paraissent souhaitables. Les différents niveaux de réalité, d’autorité et de pouvoir de l’institution constituent en effet un élément générateur de changement, même si tous les niveaux ne fonctionnent pas à l’unisson. Pour éclairer ces mécanismes, la présentation se fera en trois temps. D’abord sera exposée la genèse du dispositif de prévention. Elle permettra de situer les différents acteurs et d’identifier les positions, les rôles, les responsabilités et les implications de chacun dans l’élaboration du dispositif de prévention. Ensuite, l’analyse portera sur les résultats des consultations réalisées dans trois des quatre districts de la Ligue Languedoc-Roussillon de football : le district de l’Aude, le district de l’Hérault et le district Gard-Lozère. Elle mettra en évidence le jeu des acteurs et des pouvoirs tout en soulignant les effets des dispositifs retenus sur l’émergence d’une parole. Enfin, le résultat des différentes discussions menées dans les districts sera présenté, pour faire émerger les perspectives qui se dégagent malgré les résistances institutionnelles. GENESE D’UN DISPOSITIF DE PREVENTION UNE INITIATIVE DE L’ADMINISTRATION La naissance du dispositif de prévention résulte de la convergence de plusieurs facteurs. D’abord, elle prolonge le travail d’une équipe informelle de prévention, l’équipe « prévention et éducation santé et sport » de la Direction Régionale et Départementale de la Jeunesse et des Sports (DRDJS) en Languedoc-Roussillon . Impliquée depuis 2000 dans une politique de prévention en matière de dopage, cette équipe, rassemblée à l’initiative du médecin-conseiller de la DRDJS le docteur Olivier Coste, possède la caractéristique d’être composée d’intervenants provenant de diverses disciplines (psychologues, médecins, pharmaciens, physiologistes, kinésithérapeutes, sociologues…) et de champs d’intervention divers (milieu hospitalier, prévention des conduites addictives, université, petite enfance, etc.). Elle s’appuie sur une éthique de l’intervention qui pose comme premier principe le respect des individus et la protection des personnes. Cette approche l’a conduite à considérer la question du dopage non pas comme une réalité inhérente à quelques personnes à la morale défaillante, mais comme le résultat de la logique sportive, telle qu’elle se déploit dans le cadre compétitif institué. De la sorte, la problématique du dopage a pu être comprise comme une réponse (certes illicite) à une forme de violence exercée sur des individus soumis à l’exigence de performance. Parmi les personnes en souffrance, l’équipe « prévention et éducation santé et sport » a fait porter ses efforts sur les populations les plus vulnérables identifiées parmi les sportifs les plus jeunes soumis à un entraînement intensif. Forte de cette préoccupation, l’équipe s’est progressivement dégagée du dopage pour développer une approche globale liée à la santé dans le sport intégrant la problématique des violences et des maltraitances. Émanant de l’administration, mais composée d’intervenants qui pour la plupart lui sont extérieurs, l’équipe a développé une autonomie dans la définition de ses stratégies de prévention. Mis à part le docteur Coste, tous les autres membres sont en effet vacataires et ont, pour la plupart d’entre eux, un ancrage professionnel situé en dehors de l’administration de la Jeunesse et des Sports. Tout en développant une réflexion sur les violences et les maltraitances dans le sport, l’équipe ne recevait pas de sollicitation sur ces thématiques. Cependant, Yvan David, le Conseiller Technique Régional de football rattaché à la Ligue Languedoc-Roussillon, fit exception. Il me demanda à partir de 2004 d’intervenir dans le cadre du Brevet d’Etat d’Educateur Sportif à hauteur de deux heures, afin d’y assurer une sensibilisation à la question des violences et du rôle des éducateurs dans leur régulation. Cette première demande a rencontré les réflexions menées au sein de l’équipe « prévention et éducation santé et sport » sur la question des violences sportives. Elle a déclenché une volonté d’intervenir de manière plus systématique en impliquant l’ensemble des acteurs de la Région, au moment où le docteur Coste initiait une stratégie de prévention en direction des Ligues sportives. Ma position au sein du dispositif doit maintenant être clarifiée. C’est en effet une implication à différents niveaux qui a permis, à un moment donné, de fédérer plusieurs volontés. C’est d’abord en tant que sociologue et formateur en UFRSTAPS que j’ai été sollicité pour intervenir dans le cadre de la formation des Educateurs sportifs en football. Lorsque j’enseignais à l’UFRSTAPS de Montpellier, entre 1997 et 2002, nous avions passé avec Yvan David des conventions de formation pour lesquels les étudiants qui suivaient mes cours obtenaient une équivalence dans les formations fédérales. Par ailleurs, au sein de l’équipe « prévention et éducation santé et sport » de la DRDJS Languedoc-Roussillon, je participais aux discussions sur les différents projets et j’ai animé pour l’équipe en 2005 un travail d’analyse de la pratique. Cette présence au sein du dispositif de prévention a fait émerger le désir de mettre en œuvre un projet dans le football et dans le rugby . La conception du projet a pris en compte ces différents niveaux d’implication, avec un souci précis : établir un état des lieux de la violence, telle qu’elle est perçue par les différents acteurs du football. Ma double implication d’acteur de prévention et de sociologue supposait que ce travail permette d’abord de comprendre pour pouvoir agir. Il ne s’agissait pas de dénoncer la violence – cette dénonciation étant très bien faite par l’institution sportive elle-même comme par ses critiques – ou de la désigner comme un élément extérieur au sport, mais bien au contraire de la penser comme constitutive de l’affrontement sportif ou résultant des tensions générées par le jeu lui-même. L’enjeu d’un tel programme résidait donc dans la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs de prévention ou de régulation de la violence à partir d’une connaissance des mécanismes spécifiques de production de violence, observables dans le football amateur. Le projet (intitulé Dispositif de prévention des conduites violentes auprès des Entraîneurs, Arbitres, Dirigeants et Joueurs de la Ligue Languedoc Roussillon de Football) a donné lieu à une demande de financement à la Fondation Française des Jeux qui apporte son soutien à des activités de prévention , dans le cadre de son opération « La Règle du jeu » en faveur des initiatives de terrain. La DRDJS ne pouvant être bénéficiaire de cette aide, le pilotage du projet a été confié à une structure de conseil, accompagnement et formation qui intervient dans le domaine du sport, l’Institut Régional de Psychologie du Sport (IREPS). C’est Julie Jean – psychologue impliquée également dans l’équipe « prévention et éducation santé et sport » – qui a assuré le pilotage officiel du projet. Le dernier partenaire, puisqu’il fallait une structure de terrain, était la Ligue Languedoc-Roussillon de football. Le dispositif de prévention s’est déroulé en deux temps : Un temps de consultation des différentes instances et personnes concernées (Septembre 2005 à mars 2007) puis un temps d’intervention sur le terrain et d’accompagnement de projets (à partir de mai 2007). Il est doté d’un comité de pilotage composé d’Olivier Coste, médecin-conseiller à la la DRDJS Languedoc-Roussillon, d’Yvan David, Conseiller Technique Régional de football, de Julie Jean, psychologue à l’IREPS et de moi-même, en qualité de sociologue. DU PROJET FORMEL AUX RESISTANCES CONCRETES : IMPLICATION DES AUTORITES DU FOOTBALL Forts du financement apporté par la Fondation d’entreprise Française des Jeux et du soutien de la DRDJS, Julie Jean et moi-même avons alors pu organiser le premier temps du projet, à savoir l’audit dont l’objectif était d’identifier les sources des difficultés rencontrées par les entraîneurs, les joueurs et les arbitres sur le terrain en matière de violences sportives. Plus précisément, il s’agissait de repérer les représentations des acteurs sur les origines des violences, sur leurs manières de les caractériser et de les réguler. Pour cela, il a fallu impliquer la Ligue de football. Certes, cette dernière était impliquée de fait dans le projet puisque le financement de la Fondation Française des Jeux était conditionné à sa participation financière. Mais, outre le fait que ce financement n’a pas été honoré durant les deux années du projet (2005-2006 et 2006-2007), le Président de Ligue a fait preuve d’inertie quant à sa mise en œuvre. Un des enjeux du projet consistait pourtant initialement à fournir des éléments permettant à terme d’orienter la politique de la Ligue Languedoc-Roussillon de football, en matière de prévention des conduites violentes, de lutte contre les incivilités et du respect d’autrui. Basé sur un constat de carence concernant la prévention en matière de football auprès des jeunes ou des pratiquants amateurs, le projet semblait en effet répondre au souci affiché du monde du football. Ce constat était de plus doublé par le fait qu’il existe peu de travaux spécifiques sur les déterminants de cette violence et sur la manière dont les acteurs la produisent ou la régulent, la majorité des travaux portant sur les violences des supporteurs à l’occasion des spectacles professionnels de football. Enfin, malgré la sévérité accrue des commissions de discipline (confirmée par le président de ligue comme, plus tard, par les présidents de districts) les manifestations de violence et les actes d’incivilités posaient au football un problème récurrent. La question des violences est d’ailleurs un des axes prioritaires de la Fédération Française de Football au moment où le projet est lancé officiellement, le 14 novembre 2005. Ce jour-là, une réunion s’est tenue à la Ligue Languedoc-Roussillon de football avec l’équipe technique sportive de la Région, le Président de la Ligue, Julie Jean et moi-même. Alors qu’elle aurait dû être un moment inaugural, cette réunion a révélé plusieurs choses. D’une part, elle a fait apparaître le désintérêt de la Ligue pour la mise en œuvre du projet. Par ailleurs, elle a révélé la configuration des pouvoirs et les conflits et résistances qui en résultent. Cependant, elle a aussi débouché sur la possibilité de travailler à partir des initiatives des techniciens sportifs (le Conseiller technique régional et les Conseillers techniques sportifs départementaux), indépendamment d’un pilotage par l’autorité sportive, en l’occurrence le Président de Ligue. « La violence » projet institutionnel ou support de financement ? La présence conjointe de Julie Jean et de moi-même a permis, lors de la plupart des réunions, d’alterner les phases de régulation et les phases d’observation. L’observation se fait lorsque le débat est lancé ou la parole prise par un des participants. Mon statut et ma position dans la réunion me permettent de prendre des notes, sans que cela ne pose problème dans un monde où le recours à l’écrit est peu courant. Par ailleurs, ces notes sont complétées (sur le fond) par celles prises par Julie ou par les autres intervenant-e-s impliqué-e-s dans les différentes étapes du projet. Mon attitude s’apparente à ce que les psychanalystes ont pu théoriser sous le concept « d’attention flottante ». Je suis attentif alors (au-delà de l’enregistrement des idées) à saisir comment se construisent les interactions entre les participants et comment s’échangent les arguments. De la sorte, j’enregistre par une prise de note les éléments qui se rapportent à la signification de la violence (désignation et connotation), mais aussi les jugements de valeurs (implicites ou explicites) et les mécanismes de rationalisation utilisés par les acteurs pour justifier leur (in)action. Je ne note pas tout, mais je retiens ce qui me paraît significatif du jeu des acteurs, du fonctionnement institutionnel, des symboliques mobilisées et des valeurs invoquées, compte tenu des analyses que j’ai déjà menée par ailleurs sur le sport. La réunion du 14 novembre a été – au titre de l’analyse des pouvoirs – très révélatrice, comme d’ailleurs chacune des réunions lors desquelles nous avons été confrontés pour la première fois aux autorités du football. En effet, la rencontre avec un président (de Ligue ou de District) le contraint à s’engager politiquement sur le terrain des violences et des incivilités. Or, cette réunion avec le président de Ligue a fait apparaître la complexité de cet engagement. Si, sur le fond, tout le monde est d’accord pour soutenir un projet de prévention des violences, les réactions observées font apparaître que cet accord est surtout un accord de façade. Un des premiers arguments (formulé par toutes les autorités du football amateur rencontrées dans la Région Languedoc-Roussillon) consiste à nier ou à minimiser la réalité objective des violences. « Il n’y en a pas plus qu’avant » ou bien « il n’y en a pas plus dans le football qu’ailleurs » sont ainsi des arguments convenus qui traduisent deux choses. Les autorités du football sont d’abord bien en difficulté pour caractériser l’objectivité des violences en l’absence d’outils d’observations fiables et par ailleurs, la préoccupation première réside dans l’entretien d’une bonne image pour le sport qu’elles dirigent. Dès lors, engager un projet visant à identifier comment la violence est perçue par les acteurs du monde du football peut être reçu comme un projet dangereux, au sens où il rendrait visible un problème que les autorités tendent à minimiser. Il suppose en outre un engagement, et donc une exposition, car le projet a été élaboré de telle manière que la confrontation entre les différents acteurs, quel que soit leur niveau dans la hiérarchie sportive, était incontournable. Nous avons très vite perçu que cette exposition n’était pas habituelle de la part des autorités du football et qu’elle pouvait, elle aussi, être vécue comme une mise en question voire comme une mise en danger. Lors de la réunion du 14 novembre 2005, l’objectif explicite était la mise en place concrète du projet. Implicitement, il s’agissait déjà d’observer comment il allait être approprié et redéfini par l’institution. D’emblée, le Président de Ligue s’est dégagé de toute implication, s’appuyant sur le fonctionnement de la Ligue et par ailleurs sur la question des violences en Languedoc-Roussillon. Pour ce qui est des championnats relevant de sa responsabilité, il n’y a pas de problème de violence selon lui, ce qui n’est pas le cas des championnats relevant de l’autorité des districts. Nous n’avons pas de chiffres permettant de valider ce propos. La Ligue organisant les championnats régionaux et les districts les championnats départementaux, une hypothèse peut être faite qui suggèrerait que plus on s’élève dans le niveau de jeu et dans la hiérarchie sportive, moins les violences surviennent. Il semblerait en tout cas que cette hypothèse soit intuitivement partagée par les divers acteurs impliqués, que ce soit au plan administratif ou technique. Peu importe finalement la réalité. Ce qui s’est joué surtout, c’est le désengagement du Président de Ligue qui a également usé d’un second argument : la Ligue ne peut rien imposer aux districts. Le projet dans lequel elle est impliquée ne la concerne pas. « La Ligue a fait siennes les propositions des districts » explique le Président, ce qui est surprenant quand on sait comment les districts ont accueilli le projet . Par ailleurs, le président de Ligue a longuement expliqué les « contrats d’objectifs » mis en place par la Fédération Française de Football. Cette explication est d’ailleurs intéressante puisqu’elle ne s’adressait pas aux conseillers techniques (qui connaissent la politique de financement de la Fédération) mais paraissait plutôt nous être destinée, à nous, porteurs de projet. Ainsi, nous avons « appris » que grâce aux nouvelles conventions entre la Ligue professionnelle de football et à l’augmentation des droits de retransmission télévisuelle, le budget de la Fédération Française de Football a été doublé. Cette explication avait d’abord une fonction de plainte puisque le Président expliquait ainsi qu’il y avait de nouvelles règles d’attribution des financements qui pénalisaient selon lui la Ligue Languedoc-Roussillon de football. Jusqu’alors, c’était le nombre de licenciés qui déterminait l’enveloppe que recevait chaque Ligue. Avec cette règle, la Ligue Languedoc-Roussillon était bien dotée, compte tenu du nombre important de licenciés qu’elle accueille. Mais la nouvelle règle d’attribution repose sur l’établissement de contrats d’objectif, ces contrats étant déterminés par les priorités définies nationalement par la Fédération Française de Football. Ainsi, si le Président de Ligue s’est dégagé sur les districts de l’intérêt éducatif et sportif d’un dispositif de prévention de la violence, il n’a nullement rejeté les bénéfices économiques qu’une telle opération pouvait rapporter à la Ligue dans le cadre des contrats d’objectifs. Le seul intérêt même résidait dans cet apport pratiquement tombé du ciel d’un projet ne coûtant pratiquement rien à la Ligue (puisque financé majoritairement par la Fondation Française des Jeux et par la DRDJS qui me payait en vacations pour cette opération) et qu’elle pourrait néanmoins exploiter pour obtenir des financements dédiés à la lutte contre la violence. Au moment de la rédaction de cet article, près de deux ans après le début de la mise en place du dispositif, la Ligue Languedoc-Rousssillon de football n’a d’ailleurs toujours pas versé à l’IREPS la somme à hauteur de laquelle elle s’était engagée par contrat. Nous avons appris pourtant qu’un des éléments du contrat d’objectif de la Ligue s’appuyait très largement sur le dispositif de prévention de l’IREPS impulsé par la DRDJS. Une première leçon pouvait être tirée de la réunion avec le Président de Ligue. Le Dispositif de prévention des conduites violentes en Languedoc Roussillon ne relève pas d’une priorité institutionnelle. En revanche, la mention des violences et des incivilités, en tant qu’axe prioritaire de la Fédération Française de Football, peut fournir un support pertinent pour obtenir des financements supplémentaires. Sur ce point l’implication de la Ligue est totale. Ce n’est donc pas parce qu’il y a un intérêt à lutter contre les violences qu’un tel projet peut paraître pertinent au Président de Ligue, mais plutôt parce qu’il y a une pertinence économique qu’il y a intérêt à poser la violence comme priorité d’une politique. Résistances : « Qui commande ? » Or, la question de la politique va se poser d’une autre manière lors de cette réunion, notamment en ce qui concerne la maîtrise d’œuvre et le pilotage concret de l’opération. Alors que je sollicitais le président de la Ligue pour savoir comment il envisageait le pilotage de l’opération, il s’en est totalement dégagé en nous incitant à travailler avec le Conseiller Technique Régional et les présidents de district. En clair, ce projet dans lequel il apparaissait comme financeur n’était pas le sien. Ce qui a suivi résulte de ce désengagement puisque les conseillers techniques de l’Aude, de l’Hérault et du district Gard-Lozère ont joué un rôle majeur dans l’organisation et le déroulement des consultations et influer sur les présidents de district pour que ceux-ci répondent favorablement à nos sollicitations. La structure hiérarchique et les différents pouvoirs existant au sein du football régional ont ainsi pu être utilisés de manière constructive au lieu de constituer un frein à la mise en œuvre du dispositif. Au plan institutionnel, les présidents de Ligue ou de district, sont des élus. Ils se situent à ce titre au sommet d’une hiérarchie locale et – sur ce que nous avons pu observer – exercent leur autorité de manière solitaire… et autoritaire. Leur pouvoir de décision est pratiquement total, l’Assemblée Générale annuelle étant le seul moment où peut être discutée leur politique. Ainsi, après que le président de Ligue est sorti du dispositif, il a été possible de composer avec ce second niveau de pouvoir, celui des présidents de district. Très vite, nous avons pu repérer le système de concurrence symbolique dans lequel ils se placent, chacun critiquant les autres et présentant sa politique comme plus avancée en matière de prévention de la violence. Cet aspect a joué très certainement dans la mise en œuvre du dispositif, surtout après que la première réunion organisée dans l’Aude a servi de référence pour les présidents de district de l’Hérault et de Gard-Lozère. Avant de mettre en avant la manière dont a fonctionné le relais constitué par l’équipe technique régionale, il paraît encore utile d’en terminer avec la réunion du 14 novembre sur ce qu’elle a indiqué en matière de conflits d’autorité. Lors d’un long monologue, le président de Ligue a tenté de répondre à la question qu’il avait lui-même posée : « Qui commande ? ». Il est évident que pour lui, la réponse est trouvée : le Président. Cette vision du pouvoir est partagée par tous les présidents que nous avons rencontrés. En exposant sa vision des relations de pouvoir dans le football le Président nous a permis de définir une stratégie d’action, malgré ses propres réticences. Le pouvoir fédéral est un pouvoir hiérarchique. La Fédération Française de Football, comme toute Fédération sportive est organisée de manière pyramidale. Les ligues représentent l’autorité institutionnelle et organisationnelle à l’échelle des régions, les districts à l’échelle des départements. Ces structures sont dirigées par des élus. Il en résulte une problématique centrale (et perceptible dans les débats), celle de la perpétuation du pouvoir. Une des préoccupations des présidents consiste à faire taire les critiques et à conquérir des voix en vue des élections suivantes. Cela se traduira dans les différentes réunions, à la fois dans les prises de parole et dans la constitution des publics invités à y participer. Alors que nous (les porteurs de projet et les conseillers techniques) avions comme objectif de rassembler le plus grand nombre de représentants des différents groupements et associations, nous avons été confrontés à la tendance contraire des présidents qui préféraient sélectionner leurs invités, ou, tout au moins, utiliser les absences pour exercer ensuite des pressions sur les personnes ou les clubs n’ayant pas honoré l’invitation. Alors que nous concevions une consultation, il a fallu penser les dispositifs permettant d’aller au-delà de certains usages de la cooptation ou du clientélisme. Par ailleurs, le Président a mis en évidence que le pouvoir fédéral qu’il incarne au niveau de la Ligue et le pouvoir technique sont deux mondes totalement distincts et pourtant amenés à collaborer pour le bon fonctionnement du football amateur. Du côté du pouvoir technique, les Directeurs Techniques Nationaux (DTN), les Conseillers Techniques Régionaux (CTR) et les Conseillers Techniques Sportifs (CTS) sont nommés, et doivent désormais être titulaires d’un concours de recrutement de la fonction publique, le professorat de sport. Fonctionnaires de catégorie A du ministère de la santé, de la jeunesse et des sports, les CTR et CTS sont mis à disposition des organisations sportives, mais ils ne relèvent pas de l’autorité des présidents de Districts ou de Ligue. Leurs missions relèvent de la mise en œuvre de la politique sportive de l’Etat. Parmi elles, on relève la protection des usagers, la formation (des éducateurs, mais aussi celle de l’ensemble des personnels susceptibles d’intervenir dans le cadre de leur sport, y compris des cadres et des dirigeants des organisations sportives), la promotion des activités physiques et sportives, etc. En tant que professeurs de sport, agents de l’Etat, ils sont garants d’une éthique qui est censée orienter leur comportement dans ces missions. Le pouvoir technique s’exerce ainsi à deux niveaux. D’une part, il infléchit ou régule, par l’action de ses conseillers techniques, les politiques sportives locales. Par ailleurs, il fournit aux organisations sportives une aide non négligeable par la mise à disposition de fonctionnaires appointés par l’Etat. Or, c’est ce point qui pose problème au Président de Ligue. A la question de savoir qui commande, il existe plusieurs réponses, si tant est que l’on puisse poser la question du pouvoir en ces termes. S’agit-il de la Direction Technique Nationale, de l’administration du Ministère de la Jeunesse et des Sports, le Président de Ligue, les présidents de districts ? Lors de son exposé, le Président de Ligue s’adresse aux conseillers techniques : « Vous, vous êtes salariés. Les dirigeants sont des bénévoles. On peut vous imposer des choses qu’on ne peut pas imposer aux bénévoles. » Liée à cette question de savoir qui commande est liée une question centrale, celle de savoir qui finance quoi. Cette vision du pouvoir comme « lieu d’imposition des choses » a été un point d’appui de l’analyse et de l’intervention. S’il existe plusieurs pouvoirs concurrentiels, alors il importe de les faire fonctionner tous, dans la perspective de ce qu’ils peuvent apporter, mais aussi dans le cadre des fonctions qu’ils exercent. Certes, le propos du Président traduisait plutôt une résistance au dispositif. Cependant, cela a permis de travailler à partir de l’implication concrète – et dégagée des préoccupations électoralistes des élus – des différents conseillers techniques, fonctionnaires d’Etat. UN RELAIS : L’EQUIPE TECHNIQUE REGIONALE La réunion du 14 novembre 2005 s’est prolongée par une discussion entre les conseillers techniques, Julie Jean et moi-même. D’une part, la Ligue du Languedoc se désengageait de la mise en œuvre du projet dont elle se déchargeait sur les districts. Par ailleurs, à la question de savoir comment assurer le pilotage du projet, le Président répondit qu’il fallait voir ça avec le CTR, Yvan David. Même si, dans un premier temps, il pouvait sembler ennuyeux pour la suite du dispositif, ce désengagement de l’autorité sportive régionale a finalement permis d’avancer concrètement. Le travail avec l’équipe technique régionale (le CTR et les CTS intervenants au plan des districts) a pu commencer immédiatement. Il a été possible notamment de préciser les deux axes sur lesquels le dispositif de prévention avait été conçu. D’une part, il fallait mettre en place les conditions de l’analyse des représentations sur les origines des violences et par ailleurs, il fallait aussi commencer à anticiper sur les perspectives d’action de prévention. Chacun des axes était distinct et l’a toujours été. Mais, si l’analyse devait alimenter le contenu des actions de prévention, la connaissance des acteurs, des équipes et des spécificités locales dont sont porteur les CTS a permis de dégager des stratégies visant à la fois à structurer l’analyse et à projeter l’action. Ainsi, les Conseillers techniques et sportifs ont apporté leur compréhension du fonctionnement du football local. D’abord, ils ont fait preuve d’une connaissance concrète des manifestations de violence qui se jouent dans les districts et de leurs divers degrés de gravité. Ils ont également exposé la manière dont ces manifestations sont gérées par les autorités sportives, comme par les arbitres, les éducateurs ou les dirigeants de clubs. Le président ayant quitté la salle, ils ont pu donner des exemples d’incidents dont ils ont expliqué la genèse, comme les conséquences. Leur position, au sein des districts auprès desquels ils sont mis à disposition, leur a également permis de mettre en évidence le cloisonnement entre ce qu’ils appellent « les familles » du football. L’identification des familles est assez simple à réaliser. Saisir leurs interactions est un peu plus compliqué. Cette première réunion avec l’équipe technique régionale a permis de dégager une priorité : permettre de créer le dialogue entre ces différentes familles. Le travail de consultation qui a suivi dans les districts de l’Aude, de l’Hérault et Gard-Lozère a fait apparaître la ségrégation qui existe effectivement. Les districts rassemblent les dirigeants du football départemental. Ils constituent une autorité à la fois sportive et administrative. Ce sont eux qui organisent les compétitions (coupes, championnats, trophées), forment et désignent les arbitres, etc. Par ailleurs, ils assurent une véritable police administrative du football amateur départemental. Celle-ci s’exerce à partir d’une réglementation très stricte pour laquelle toute infraction entraîne une amende. De plus, les districts établissent les sanctions qui découlent du déroulement des matches, sur la base des décisions prises par les arbitres et des rapports de ces mêmes arbitres. Ainsi, une commission de discipline et une commission d’appel disciplinaire siègent pour déterminer les sanctions financières et sportives dont sont passibles les joueurs ou les clubs à l’issue de chaque compétition. Cette autorité administrative est composée d’élus bénévoles, dont de nombreux anciens arbitres. Les arbitres, de leur côté, suivent une formation spécifique. Ils sont licenciés dans un club et désignés par le district pour les rencontres qu’ils doivent arbitrer. Ils imposent l’arbitraire sportif lors des matchs, c’est-à-dire qu’ils sont là pour que le jeu se déroule selon les lois qui le déterminent. Ils sont perçus comme l’incarnation de l’autorité sportive, alors qu’ils y sont subordonnés. Formés par des arbitres, évalués par des arbitres, ils sont soumis à une hiérarchie administrative mais aussi technique, leur carrière dépendant des notes qu’ils obtiennent lors des matches pour lesquels ils sont supervisés. Ils constituent ainsi un groupe qui occupe une place centrale dans le déroulement du jeu et qui pourtant apparaît en marge du monde du football. Alors qu’ils sont licenciés dans un club, les acteurs du football qualifient les arbitres comme s’il s’agissait d’une catégorie à part, incarnant une autorité universelle… et pourtant systématiquement contestée. Une autre branche de la famille est constituée par les clubs. Ceux-ci se répartissent lors des rencontres selon deux espaces distincts : le terrain et « le banc ». Sur le terrain, évoluent les joueurs, sous l’autorité d’un arbitre. Sur le banc prennent place « les dirigeants ». Cette appellation est celle qui est utilisée par les élus des districts. Il a fallu un peu de temps pour comprendre que ces dirigeants objectifs (élus occupant les postes clés du district) appelaient « dirigeants » les personnes qui prenaient place sur le banc, durant les matchs et qui représentaient le club. Or, à ce niveau de jeu se trouvent sur le banc les personnes, bénévoles le plus souvent, qui accompagnent les équipes, et celles qui les entraînent. Le plus souvent, sont là les bonnes volontés sans lesquelles le club ne pourrait pas fonctionner. Sur le terrain, les joueurs constituent une autre catégorie représentant le club, influencés par « le banc » et organisés par la recherche de la victoire dans le cadre de l’affrontement sportif. Il importe de situer dans une catégorie à part les éducateurs, brevetés d’Etat ou pas, qui prennent en charge l’entraînement et le suivi des joueurs. S’ils sont titulaires d’un diplôme fédéral ou d’un Brevet d’Etat, c’est qu’ils ont suivi une formation durant laquelle ils ont été au contact des Conseillers techniques. A ce titre, ils ont été amenés à se former à des techniques de préparation mais aussi à des considérations d’ordre pédagogique ou éthique. Par ailleurs, les Educateurs brevetés d’Etat suivent un recyclage périodique qui maintient le contacte entre eux et l’équipe technique régionale, et sur laquelle nous reviendrons. Il existe en revanche une part importante de personnes qui assurent les fonctions d’entraîneur et d’accompagnateur et qui n’ont reçu aucune formation dans ce domaine. Ce qui a été mis en évidence immédiatement par les conseillers techniques, c’est l’absence de dialogue entre ces différentes composantes (dirigeants du district, arbitres, joueurs, « banc », éducateurs) ou bien une communication partielle et partisane (les joueurs et le banc contre l’arbitre, les arbitres et le district contre les clubs…). En clair, les points de vue se construisent selon le positionnement occupé dans le champ du football départemental. Et en matière de violence, ils sembleraient loin de rassembler le consensus. Entre d’un côté les dirigeants des Districts, élus et bénévoles, et de l’autre les clubs il y a un fossé. Les conseillers techniques se situent dans l’entre-deux, travaillant auprès des dirigeants des districts et œuvrant pédagogiquement auprès des autres acteurs. PHASE DE CONSULTATION : LES ACTEURS DU FOOTBALL AUTOUR D’UNE TABLE De ces premières réflexions est née la volonté de mettre en place une phase de consultation permettant à toutes les composantes du football amateur local de s’exprimer. L’idée consistait à saisir comment, compte tenu de leurs points de vue et de leurs positionnements différenciés, les acteurs percevaient la violence, quelles origines ils lui attribuaient et comment ils envisageaient les moyens d’y remédier. Une stratégie à été mise en place qui consistait à solliciter les présidents de district en vue de les engager à mettre en œuvre les consultations « de la base » sur la question des violences. Pour cela, le travail des conseillers techniques a été fondamental. Charles Montespan, conseiller technique de l’Aude, a par exemple assuré seul la conception de la journée et les négociations avec le Président du district de l’Aude. De même, pour les deux autres districts, si Julie Jean et moi-même avons dû rencontrer préalablement les présidents des districts de l’Hérault et du Gard-Lozère, le travail avec les deux conseillers mis à disposition de ces districts (Vincent Bosc pour l’Hérault et Frédéric Alcaraz pour Gard-Lozère) a permis de concevoir un dispositif adapté aux réalités locales… et aux personnalités des présidents. Par ailleurs, en concertation avec l’équipe technique régionale, il a été proposé de participer à la formation continue des entraîneurs et des arbitres et d’utiliser ces moments pour recueillir des données sur la manière dont ces acteurs spécifiques se représentaient les violences dans le football. Pour l’équipe technique, il s’agissait d’intervenir auprès des acteurs pour les armer d’outils de prévention ou, tout au moins, pour les sensibiliser à l’impact de leur attitude sur la naissance des violences et sur leur rôle en matière de régulation des conflits. Pour nous, observateurs, il s’agissait de concevoir ces lieux de formation comme un lieu privilégié de recueil d’informations. La difficulté à trouver des moments et des lieux où rassembler les divers acteurs (pour la grande majorité d’entre eux bénévoles) a conduit à concevoir un dispositif par lequel nous pouvions à la fois enregistrer les manières de concevoir les violences et impulser une réflexion collective. La création d’un espace de parole régulé a permis d’enclencher cette réflexion et c’est à partir d’elle que nous avons pu identifier les représentations disponibles. Nous avons donc élaboré une démarche en deux temps. Sa mise en œuvre a varié selon les modalités d’organisation retenues par les institutions. Quelles que soient les modalités et après avoir présenté le dispositif, nous posions dans un premier temps trois questions : Quelles sont les violences auxquelles vous êtes confrontés aujourd’hui dans le football ? Qu’est-ce qui les déclenche ? Que vous semble-t-il possible de faire pour les combattre ? Suivait un temps d’échange, selon des modalités variables d’un district à l’autre. A l’issue de cet échange, une synthèse était proposée. Les trois questions étaient posées de cette manière pour permettre – dans le débat – de relancer sur l’un ou l’autre point, et – dans la restitution – de proposer une synthèse permettant de distinguer ce qui relève de la perception de la violence et ce qui relève des représentations liées aux manières d’y faire face. Le fait de recueillir les informations à partir d’une discussion permettait de faire émerger les représentations partagées, mais aussi de repérer la manière dont les arguments s’échangeaient, d’accéder à des données concrètes par le biais des anecdotes utilisées pour rendre compte des expériences et de saisir les effets de pouvoir et de positionnement. Deux biais pouvaient cependant naître de la formulation des questions. La présence des termes « aujourd’hui » et « combattre ». Pour le premier, il s’agissait de caractériser les violences auxquelles les acteurs sont confrontés. Cependant, mettre « aujourd’hui » pouvait impliquer que ces violences n’apparaissaient pas « avant ». Ces propos sont apparus, bien sûr, mais pas nécessairement comme une réponse induite directement par la question. Ils émergeaient plutôt pour rendre compte d’une représentation qui met en avant l’idée que le sport actuel est perverti (par l’argent, les médias, le dopage, etc.). Cette représentation d’un âge d’or du « sport pur » est en effet apparue assez régulièrement mais ne traduisait pas une représentation propre aux violences. Le terme « combattre » induit quant à lui un positionnement qui consiste à penser que ces violences ne sont pas légitimes. Il peut donc aussi infléchir les débats. Mais, outre le fait que ceux-ci s’engageaient sans volonté de répondre aux questions avec précision, les propos tenus par les différents acteurs les amenaient à se positionner comme des « acteurs de bonne volonté » décidés à agir pour faire du football un espace « sans violence » ou, tout au moins, dans lequel les violences seraient acceptables, c’est-à-dire ne dépasseraient pas « certaines limites » . Les présidents de district ont été sollicités afin de mettre en place les consultations. Ce sont eux qui ont choisi les dispositifs, à partir des principes que nous avions émis. Ces principes étaient les suivants. Il s’agissait d’une consultation, il était donc nécessaire de rassembler des personnes issues des différentes familles et représentant différentes sensibilités. Il ne s’agissait pas d’une conférence, ni de l’exposé d’une politique ; il était donc indispensable de prévoir un temps d’échange. Enfin, nous devions assister, en tant qu’observateurs, à tous les débats. Le terme retenu pour qualifier ces rencontres a été celui de « forum ». Trois forums ont ainsi été tenus à Alzonne, dans l’Aude, Montpellier, dans l’Hérault et Nîmes dans le Gard. Deux d’entre eux ont donné lieu à un seul rassemblement (Alzonne et Nîmes) où étaient invités dirigeants, joueurs, arbitres, et éducateurs. Le forum de Montpellier s’est tenu après deux premières réunions de consultation rassemblant les acteurs d’une même famille (d’abord celle des dirigeants puis celle des arbitres). Pour chacun de ces forums et consultations, trois objectifs coexistaient. Le premier objectif peut se formuler en termes de connaissances, et cela à un double niveau : Organiser le recueil des représentations des acteurs sur la question des violences dans le football tout en favorisant pour eux la compréhension des mécanismes pouvant produire de la violence. Le second objectif se comprend en termes d’intervention puisqu’il vise l’anticipation et la régulation de ces violences. Enfin, le troisième objectif consistait à profiter de ces rassemblements pour favoriser la communication : Développer les échanges d'expériences entre professionnels, mettre en commun des pistes de réflexion en matière de prévention, permettre la confrontation des points de vue. Ces trois objectifs n’étaient pas confondus ni dans l’organisation ni dans le recueil d’information. Cependant, lors des discussions, et même en l’absence de décisions ou de projets concrets, des éléments de compréhension comme des perspectives d’action se sont dégagés. Dans chaque consultation, les conseillers techniques sportifs départementaux étaient non seulement présents, mais ont joué un rôle actif pour structurer les dispositifs. Une préoccupation commune a consisté à mettre en place les conditions de possibilité du débat. Il s’agissait notamment d’organiser les journées de manière à ce que les présidents de district ne monopolisent pas la parole, et que celle-ci puisse émerger y compris pour des personnes peu habituées à s’exprimer publiquement. Du premier forum à Alzonne au dernier à Nîmes, il a en effet fallu composer avec les présidents de manière à ce qu’ils soient à la fois impliqués dans le projet et qu’ils se mettent en retrait par rapport à des intervenants extérieurs, sur des sujets sensibles pour lesquels leur responsabilité est en outre impliquée. Cela n’allait pas de soi, les forums ne pouvant pas se tenir sans les districts dont les présidents ne sont pas familiarisés à la pratique de la consultation. Néanmoins, le résultat est très positif pour le premier point qui est l’identification des représentations liées à la violence. L’implication des présidents a même pu prendre des formes qui, au bout du compte, ont fourni des éléments d’analyse intéressants. DISTRICT DE L’AUDE La consultation menée autour du président du District de l’Aude a pris la forme d’une conférence débat réunissant les différents acteurs du district (arbitres, éducateurs, dirigeants, joueurs) ainsi que la direction départementale jeunesse et sport. Plus de cent vingt personnes ont participé à une conférence plénière à partir d’un plan d’intervention préparé par Charles Montespan, le conseiller technique et sportif de football de l’Aude. La forme conférence risquait de ne pas permettre le débat et de transformer l’échange en une tribune pour le président. Néanmoins, le travail de Charles Montespan a consisté à prévoir de très courtes interventions parmi lesquelles figurait celle du président. En outre, la présence à la tribune de Julie Jean et de moi-même permettait d’exercer un contrepoids symbolique à l’autorité du district. Enfin, le minutage proposé permettait d’éviter les longs monologues. La conférence a été structurée autour de témoignages de terrain, témoignages complétés par différents avis techniques et scientifiques. De manière assez surprenante – compte tenu de la configuration du rassemblement – les interventions ont ensuite débouché sur un débat riche et animé avec la salle duquel ont émergé de nombreuses propositions. Le débat sur les propositions lui-même a alors révélé les conflits de pouvoir en présence et la manière dont les différents acteurs interagissent. Toutes les propositions qui ont été notamment formulées en matière réglementaire – impliquant donc une décision du district – ont été rejetées par le président du District de l’Aude. Ce dernier a alors « répondu » aux propositions. Il ne s’agissait plus d’imaginer des manières de réguler la violence, mais de rappeler deux choses : d’abord l’ordre sportif et ensuite son autorité. Les réponses se résumaient à une phrase « ce n’est pas possible », laissant penser au caractère intangible du règlement. Or l’exemple de l’exclusion temporaire de joueurs énervés, par exemple, est possible puisqu’elle a été adoptée dans d’autres districts. Mais en affirmant que cela ne l’est pas, le président coupait court au débat et évitait d’être saisi d’une question qu’il aurait dû soumettre en assemblée générale. Par ailleurs, le débat a fait émerger la difficulté à s’entendre sur certains termes. Parmi les propositions visant à réguler la violence, certaines reposaient sur une réflexion autour du sens de la sanction. Pour les joueurs sanctionnés de plusieurs matchs de suspension, des propositions ont été faites pour que ce temps ne soit pas un temps de simple punition durant lequel le joueur rongeait son frein et à l’issue duquel il revenait jouer une fois sa sanction purgée. Il a été proposé que ces joueurs soient impliqués dans des formes de travaux d’intérêt général où ils viendraient épauler les arbitres durant les matches. Bien qu’ici très résumée, cette proposition a été formulée dans une perspective éducative et a recueilli un assentiment d’une bonne partie de l’assistance. Mais, outre le fait que cela « n’est pas possible », tout au moins dans l’Aude et qu’il y avait à réfléchir sur les conditions d’une éventuelle mise en œuvre, c’est le terme « arbitrage » qui a posé problème. L’arbitrage appartient aux arbitres. Un dialogue de sourd s’est alors engagé. D’un côté des arguments étaient exposés selon lesquels pour arbitrer il faut être formé et qu’on ne peut laisser aux joueurs aux comportements les plus condamnables cette responsabilité. De l’autre, les arguments mettaient au contraire en avant la fonction pédagogique de l’arbitrage, en proposant une implication des joueurs punis aux côtés d’un arbitre qui lui-même était formé. L’impossibilité à s’entendre concernait ici les représentations de l’arbitrage considéré d’un côté comme un métier, de l’autre comme une tâche inhérente au jeu qui pourrait servir à la formation des joueurs. Malgré les remarques précédentes, la vivacité des débats, la diversité des niveaux d’analyse et la richesse des propositions paraît venir du fait que c’était la première fois qu’un tel événement permettait aux acteurs anonymes de s’exprimer. Les prises de paroles ont en outre révélé comment les violences pouvaient être perçues comme un problème du football amateur même dans un district rural, celui de l’Aude, pourtant bien éloigné des caractéristiques associant violences et réalités urbaines. En outre, le nombre important de participants (plus de cent) et leur origine diversifiée atteste d’un intérêt qui va bien au-delà d’une présence politique visant à satisfaire l’invitation d’un président. DISTRICT DE L’HERAULT La démarche de consultation menée auprès du District de l’Hérault a été structurée en deux temps. Tout d’abord, deux réunions de concertation autour du thème général de la violence sportive ont été organisées au District, autour du président. L’option adoptée a consisté à organiser les réunions en rassemblant les acteurs d’un domaine spécifique de l’institution. Ainsi, une première réunion a rassemblé des dirigeants du football. Les élus du district de l’Hérault et certains présidents de clubs, proches du président du District, ont ainsi été amenés à faire émerger le point de vue des dirigeants. La seconde réunion a rassemblé le personnel disciplinaire : les membres de la commission de discipline du district et les arbitres. Outre les membres de la direction du district, et ceux des différentes commission, ont participé à ces réunions, le CTS de football de l’Hérault, Vincent Bosc et le conseiller violence de la DRDJS, Patrick Jacquot. A la suite de ces deux premières réunions de concertation avec les autorités du district, une soirée de réflexion autour de la violence a été organisée sous la forme d’un forum. Cette soirée était ouverte aux différents acteurs du district de l’Hérault (dirigeants, éducateurs, joueurs…) sur la base du volontariat, à partir d’une invitation lancée aux clubs par le président du district. Le « pointage » des participations a fonctionné à un double niveau. Pour les observateurs, il s’agissait d’identifier qui était venu de manière à solliciter éventuellement les absents dans un second temps. Il était nécessaire de savoir si des clubs en direction desquels il paraissait utile d’intervenir – sur la base des données dont dispose le CTS Vincent Bosc – s’étaient déplacés ou pas. En revanche, pour le président, il s’est agi d’identifier les absents pour pouvoir, le cas échéant « s’en souvenir ». Une nouvelle fois, une conception du pouvoir s’exprimait dans laquelle une invitation vaut pour convocation. Du point de vue technique pourtant, il était utile d’identifier qui était là (quel club et pour chaque club quel-le représentant-e ) afin de comprendre comment les invitations (tardives) ont été reçues, comprises et diffusées. Le forum s’est déroulé en trois temps. Une conférence inaugurale a présenté l’ensemble du dispositif. Puis la session plénière a été suivie par des sessions de travail. Trois groupes de douze personnes animés par un spécialiste de la prévention se sont déroulés simultanément . Un rapporteur était désigné pour chaque groupe. Le forum s’est conclu par une synthèse et un débat sur les différentes propositions ayant émergé des groupes de travail, après que chaque rapporteur a lu les conclusions de son groupe. Les réponses apportées aux trois questions posées participent au diagnostic sur la manière dont les acteurs perçoivent la violence dans le football ; ce diagnostic sera repris plus bas. Ce qu’il paraît ici utile de souligner, c’est ce qui s’est joué dans les groupes de travail. Dans chacun d’eux en effet, un sentiment s’est dégagé et a été exprimé sur la satisfaction d’avoir pu participer à un échange autour d’une même table, entre acteurs qui ne se rencontrent jamais ou bien de façon informelle. Les prises de paroles d’acteurs du terrain (joueurs ou éducateurs) interpellant parfois directement les dirigeants a donné lieu à l’émergence d’une parole dans un cadre non conflictuel, permettant ainsi la formulation de propositions mais aussi de critiques sur les fonctionnements habituels. La régulation des groupes par un intervenant extérieur au monde du football a permis d’atténuer les effets d’autorité, le Président Andreu se plaçant même en retrait dans le groupe auquel il a participé. Les débats ont bien sûr fait apparaître comment les points de vue dépendent de la position de chaque acteur au sein du système. Néanmoins, cette expérience des groupes de travail a révélé la nécessité de les confronter, d’autant qu’au bout du compte, les volontés exprimées visent le même but : faire du football un espace ludique dans lequel les acteurs se sentent en sécurité. DISTRICT GARD-LOZERE Le dernier Forum, s’est déroulé dans le District Gard-Lozère, selon un déroulement similaire à ce qui s’est fait dans l’hérault avec cette fois quatre groupes animés chacun par deux animateurs. La démarche a été structurée en deux temps. Tout d’abord, deux réunions de concertation se sont tenues à la Présidence du District. Le Président Enjolras nous a remis lors de la première d’entre elles un document synthétisant la politique du district des dernières années. A l’issue de ces réunions de concertation, il a été décidé d’organiser une matinée de réflexion autour de la violence organisée sous la forme d’un forum ouvert aux différents acteurs du district. Après la conférence inaugurale, l’introduction du président et la présentation de l’ensemble du dispositif, quatre groupes de 20 personnes ont été constitués, animés par deux spécialistes de la prévention. Cette fois-ci, chaque groupe a fonctionné à partir d’une même question de départ : Selon vous, quelles solutions peut-on mettre en place pour réduire les violences que vous avez pu observer lors des rencontres sportives ? Ce choix a été fait pour orienter les débats vers les propositions de régulation, sachant que les discussions feraient émerger à la fois la question de la nature et celle de l’origine des violences. A côté de ces consultations, un travail d’intervention a été réalisé dans le cadre de la formation continue des éducateurs de football titulaires d’un Brevet d’Etat. A la demande du Conseiller Technique Régional, le stage de recyclage annuel a été consacré à cette thématique. Une première session a eu lieu en décembre 2005, une seconde en mars 2007. Lors de la première session, les stagiaires ont été amenés à travailler sous forme d’ateliers à partir de discussions visant à faire émerger les représentations des éducateurs sur la violence et à les amener à formuler « le rôle de l’éducateur dans la prévention de la violence ». Pour cela, les questions qui leur ont été posées étaient légèrement différentes de celles qui ont déclenché les débats dans les forums. Elles s’appuyaient sur la manière dont les éducateurs décrivaient les violences et leurs perceptions quant aux perspectives de régulation. Compte tenu de leur implication et de leur formation, les questions ont été orientées de manière à faire émerger une « expérience de la violence ». Ainsi, avant la répartition en groupes (animés par des psychologues de l’équipe « prévention et éducation santé et sport » de la DRDJS Languedoc-Roussillon et par moi-même), il a été demandé aux éducateurs de décrire une situation de violence qu’ils ont vécu puis, dans un second temps, d’expliquer comment ils ont réglé la situation. Lors de la première session (décembre 2005), trois groupes de quinze personnes animés par un spécialiste de la prévention se sont déroulés en simultané. Lors de la seconde (réalisée à la demande des éducateurs en mars 2007), ce sont quatre groupes d’une vingtaine de personnes animés par deux intervenants qui ont planché sur une nouvelle question visant à savoir comment, en tant qu’éducateur, il était possible d’intervenir pour réguler un conflit. Il s’agissait d’un travail de formation. Il a cependant été également l’objet d’un recueil d’information, chaque animateur de groupe ayant produit une synthèse des échanges réalisés. Ces synthèses ont contribué à faire apparaître la pluralité des représentations concernant les violences, mais aussi à situer la manière dont un groupe constitutif du football amateur (les éducateurs brevetés d’Etat) se positionnait . Les trois forums (Alzonne, Montpellier et Nîmes), complétés par les sessions de formation des brevetés d’état, ont donné lieu à un recueil d’informations d’une grande richesse. D’abord, ils ont permis d’accéder à une perception fine du fonctionnement du football amateur, avec ses différents plans de la réalité et ses différents niveaux de pouvoir. Ensuite, les échanges entre personnes n’ayant jamais l’occasion d’échanger ensemble de manière régulée ont livré des données sur la manière dont se percevaient les différents types de violence et sur les hiérarchies établies entre elles. Ils ont fourni de même une lecture des diverses interprétations concernant l’origine de ces violences. Enfin, des débats se sont dégagées un certain nombre de pistes d’intervention en matière de régulation, indépendamment des « réponses » faites par les présidents à certaines des propositions ayant émergé des discussions. REPRESENTATIONS DE LA VIOLENCE ET PERSPECTIVES DE REGULATION REPRESENTATIONS DE LA VIOLENCE ET TYPES DE VIOLENCE IDENTIFIEES Avant de caractériser les représentations des violences, il est utile de souligner la manière dont les acteurs en élaborent une mise à distance : la violence est toujours ou bien chez les autres, ou bien déclenchée par les autres, ou bien ailleurs. L’intérêt des débats a été d’identifier ces autres. Il peut s’agir des dirigeants (nécessairement de « mauvais » dirigeants), du « banc », des spectateurs, ou encore de « jeunes qui n’ont rien à voir avec le football ». La rencontre entre les différents acteurs a permis de discuter ensemble de ces interprétations. Il n’était pas possible d’« accuser » certains acteurs (les arbitres par exemple pour les joueurs et les éducateurs ou les éducateurs pour les arbitres) d’être à l’origine des violences. Le débat commun a au contraire permis de faire apparaître que ces violences relèvent d’un contexte propre au football (même si, nous le verrons plus bas leur origine peut être recherchée ailleurs). Il a apporté des éléments de réflexion sur le fait qu’elles résultent d’une interaction entre acteurs placés en situation d’affrontement ludique et symbolique. Poser les violences observées dans le football amateur comme le résultat d’une interaction issue du match ne pouvait se faire que par la confrontation. Par ailleurs, la discussion a permis de faire apparaître d’autres distinctions liées à la nature des violences. Il n’y a là rien de nouveau par rapport aux travaux théoriques sur la violence, mais ce qui importe dans les catégorisations présentées ci-après, c’est qu’elles résultent du débat entre les acteurs. Avec l’appui des intervenants extérieurs, qui ont travaillé à relancer sur les points problématiques et à aider à la reformulation, elles ont permis aux protagonistes de clarifier ce qui – au départ des discussions – leur apparaissait comme relativement confus. Ainsi, les violences symboliques ou verbales (insultes, injures, moqueries, humiliation,…) ont été distinguées des violences physiques. Ces dernières ont été dissociées. D’un côté, les violences propres au jeu (engagement, agressivité…) sont perçues comme légitimes par les acteurs eux-mêmes (entraîneurs, dirigeants, supporters…), et justifiées au nom des enjeux de la rencontre. D’un autre côté, ont été identifiées les violences hors du jeu (coups de tête, crachat, etc.). Elles ne sont pas justifiées par un engagement légitime visant à faire basculer le rapport de force au sein d’un affrontement réglé. Elles sont hors-cadre réglementaire. Cependant, les acteurs ont mis en évidence qu’elles peuvent être produites par le jeu et son déroulement (score, enjeu de la rencontre, arbitrage…). Elles peuvent, de plus, être favorisées par l’ambiance qui entoure la rencontre. L’origine des violences apparaît ainsi associée au match de football, aux conditions de son déroulement, à l’ambiance qui l’entoure, à l’enjeu. Par ailleurs, certaines violences ont été désignées comme résultant de réalités sociales extérieures au football. Le match de football leur offre cependant un terrain d’expression et de visibilité. C’est le cas, par exemple, lorsqu’une bande de jeunes garçons se rassemblent à l’occasion du match, dans le but d’en découdre avec l’équipe opposée à celle du quartier où ils résident. Ces deux sources de violences (les violences générées par le jeu, et les violences pour lesquelles le jeu est un prétexte) interfèrent. Les conditions de déroulement du match peuvent être influencées par des violences extérieures ou par l’atmosphère qui entoure le terrain, comme ce qui se passe sur le terrain peut produire des violences en sa périphérie. Ces distinctions ont permis aux acteurs de prendre conscience que le match de football est un lieu d’affrontement propice à l’émergence de violences. Le repérage des mécanismes déclencheur constitue un élément incontournable en vue de mettre en place un dispositif préventif. Or, concevoir les violences comme émanant d’un contexte spécifique propre au football, autorise les acteurs, quels qu’ils soient, à se sentir investis d’une responsabilité quant à leur prévention ou leur régulation. C’est même la condition nécessaire à toute initiative. Elle s’impose également pour penser la relation entre les tensions qui existent dans la société et le match de football comme lieu de leur expression. Les questions qui se posent alors aux acteurs du football amateur consistent à se demander comment le stade peut devenir un terrain d’affrontement ou au contraire un espace de convivialité. S’engager dans cette perspective permet de s’affranchir des mises à distance qui attribuent l’existence de la violence à des groupes sociaux stigmatisés. Violences communautaires Parmi les origines de la violence, telles qu’elles ont été identifiées, la notion de « violences communautaires » est en effet apparue à la fois très vite (dès lors que des groupes à faible effectif étaient constitués) et très régulièrement. Ces violences désignent celles qui sont produites par des groupes identifiés à une communauté, ou qui résultent de l’affrontement entre communautés. Elles prolongeraient alors sur le terrain de football des oppositions qui se seraient constituées par ailleurs. Il y a eu cependant une difficulté à les caractériser précisément, car parler de ces violences entraînait les acteurs sur le terrain du racisme. Pourtant, ces « violences communautaires » sont bien à comprendre comme des violences liées à une perception racialisée des différences. Lorsqu’il en a été question, j’ai systématiquement produit des relances sur ce thème, dans un souci d’explicitation. La question du racisme est alors apparue selon deux axes : ou bien ces « violences communautaires » étaient des réactions à des manifestations racistes (insultes notamment), ou bien, elles étaient liées à une sorte de « communauté dangereuse ». Le premier axe faisait apparaître deux situations. D’une part, il rendait compte de la manière dont des « équipes composites » (cette formule renvoie au fait qu’elles sont composées notamment de joueurs noirs et nord-africains) étaient accueillies, notamment dans « les villages ». Les insultes sur les « Négros » et les « Bougnoules » des équipes « invitées » généraient de la part des joueurs insultés des réactions de violence. Cette manière de présenter les choses peut paraître caricaturale, mais c’est comme cela qu’elle était exposée, opposant les « Jeunes des Cités », donc des villes, et plus particulièrement des hommes jeunes issus de l’immigration, aux « villages », caractérisant implicitement la population de ceux-ci comme une population constituée de « Français de souche ». Malgré le fait que ces représentations ne reposent pas nécessairement sur des données objectives, il n’empêche qu’elles fournissent aux acteurs une modalité explicative. Dans ce cas, les débats faisaient apparaître que les violences des joueurs insultés (ou de leur accompagnement, spectateurs ou « banc ») pouvaient être considérées comme des violences légitimes. En miroir, existe une seconde situation explicative des « violences communautaires » ou résultant d’un « esprit communautaire ». Il ne s’agit plus de Jeunes issus de l’immigration africaine qui se rendent dans les villages, mais au contraire des équipes qui vont jouer « dans les quartiers ». Selon ce scénario, les manifestations de racisme seraient tournées en direction des équipes composées majoritairement de joueurs blancs. Or, cette analyse ne tient pas. Si l’on approfondit les témoignages, il est possible de constater que ces violences peuvent provenir d’équipe à la mauvaise réputation, parfois associées à un quartier. Néanmoins, ces équipes se montrent violentes plus simplement vis-à-vis de toutes les équipes qui viennent jouer sur leur terrain, quelle que soit leur composition. Il s’agit pour elles d’affirmer qu’elles sont « chez elles ». Ce qui prévaut alors n’est pas une quelconque opposition communautaire, mais une inimité produite par l’affrontement sportif (et éventuellement exacerbée par des facteurs extérieurs, ou par des tensions apparues antérieurement). Dans ce scénario, les joueurs des équipes venant d’ailleurs, sont perçus comme ennemis. L’inimité n’est donc pas ciblée, mais conjoncturelle. L’affrontement peut ainsi se cristalliser sur des différences, liées à une histoire commune issue de la colonisation . Les tensions récurrentes entre les jeunes de l’équipe de Lodève (Nord de l’Hérault, issus majoritairement de la communauté harkie) et ceux du quartier montpelliérain de La Paillade (Préfecture de l’Hérault, issus de l’immigration post-indépendance) se justifient par l’histoire dans laquelle leurs grands-parents ont pris des chemins opposés. Mais ce n’est pas cette histoire qui cause les violences. Elle leur fournit un élément de rationalisation. Elles naissent dans la cristallisation des identités que le match de foot rend possible. Compte tenu des données dont nous disposons, il n’est pas possible d’aller plus avant dans le cadre de cet article pour analyser ces différentes violences nées de l’opposition entre équipes sportivement rivales. Cependant cette question des « violences communautaires » mérite d’être prise en compte par les cadres du football amateur, d’autant qu’elle participe à y alimenter les violences racistes. Or ces violences constituent un élément central de la politique de l’Union Européenne de Football (UEFA) et a donné lieu tout récemment (novembre 2007) à la signature d’une convention pour lutter contre le racisme et la violence dans le football entre la Ligue d’Alsace de Football Amateur, le Procureur de la République de Colmar et la Préfecture du Haut-Rhin. Le second axe de ces violences (l’existence de « communautés dangereuses ») n’a pas été formulé de la sorte dans les débats, même si les échanges faisaient apparaître à mots couverts qu’il y aurait des groupes qui « posent problème » . Néanmoins, formulées sur le mode de la confidence glissée entre deux réunions, lors d’une pause ou en comité restreint, certaines remarques ne laissent pas de doute sur l’attribution de l’origine de ces violences. Une personne venait me voir, alors que j’étais en marge du groupe. Il s’agissait alors de me donner la réponse, celle que le travail d’énonciation collective ne permettait pas, mais qu’apparemment je pouvais entendre. Il s’ensuivait alors un scénario qui s’est répété en plusieurs occasions. Mon « confident » entamait la conversation de la sorte : « Avant, il y avait moins de violence », ou bien « avant c’était pas pareil » ou encore, « les violences, je vais vous dire d’où qu’elles viennent ». Suite à ce préambule, le « confident » attribuait l’émergence de ces violences « aux Maghrébins ». La « communauté dangereuse » était identifiée de même que l’origine de la violence. Dans cette configuration, ce n’est pas le match de football qui génère des situations conflictuelles, mais l’existence d’une communauté stigmatisée comme étant intrinsèquement violente. Cette stigmatisation des jeunes hommes issus de l’immigration maghrébine s’inscrit dans une autre représentation plus large des violences dans la société. Associée au traitement médiatique et politique sur l’insécurité, elle trouve dans la notion de « bandes ethniques » une nouvelle explication à l’insécurité . L’idée qu’il y aurait des communautés violentes, s’affranchissant des lois et de l’ordre social est tentante pour éviter d’interroger ce qui se passe sur les stades de football amateur. Cette conception fait de la violence une qualité individuelle ou collective. Elle serait inhérente à la personnalité ou à la culture, ce qui est source de stigmatisation. Cependant, le fait de passer du singulier au pluriel dans le débat a permis de dépasser cette perception. Si « la violence » a pu facilement être attribuée à un individu ou à un groupe violents, le fait de parler des violences a supposé de penser le contexte de leur apparition. Elles se donnent alors comme une réponse à un contexte. Les individus violents le seraient dès lors en réaction à une situation qu’ils jugeraient insupportable ou à laquelle ils n’auraient pas d’autre moyen de faire face. Parmi les éléments déclencheurs figurent les réponses à une agression dans le jeu, la réaction à une décision d’un arbitre, au comportement des spectateurs, voire du « banc », mais aussi le résultat du match. Le match peut aussi constituer une occasion pour des jeunes ne jouant pas de se rassembler en vue de produire des violences vis-à-vis d’autrui. Cet élément mériterait d’être étudié dans le football amateur comme il a pu l’être dans le cas du phénomène du hooliganisme dans le football professionnel . Mais pour l’heure, les éléments conjoncturels vont être débattus, afin de faire émerger ce qui, dans la rencontre sportive, est apparu comme source potentiel de manifestations violentes. « Il va y avoir du sport » où la violence comme élément de l’interaction sportive Pour l’ensemble des acteurs, et notamment pour les acteurs de terrain (joueurs, arbitres, éducateurs…), il est rare que des violences se manifestent spontanément. Avant que des comportements violents n’apparaissent, une ambiance se construit, une atmosphère se perçoit, bref, une tension s’établit. Et si les acteurs ont eu du mal à la caractériser, tous s’accordent à dire qu’ils « sentent » que le « climat » devient électrique et que « tout peut basculer ». Tensions, rancoeurs et match retour L’approfondissement de ces perceptions fournit des éléments intéressants pour saisir les interactions qui se construisent par le football. Si tout le monde n’a de cesse de rappeler que le football est un jeu, un constat récurrent est apparu que la formule suivante résume parfaitement : « le match transforme les gens ; ils deviennent grossiers, violents ». Ainsi, le jeu serait le ferment des violences. La rencontre et son environnement leur fourniraient les combustibles nécessaires à leur mise à feu. Cette analyse n’apparaissait jamais spontanément. Dans les débats toutefois, elle s’imposait progressivement après les premiers arguments tendant à persuader qu’il n’y a pas plus de violence dans le football qu’ailleurs ou bien que la violence qu’on y trouve vient de la société. Les tensions peuvent s’inscrire dans une histoire entre deux équipes. Elles sont apparues à l’occasion d’un match durant lequel certains événements ont été mal vécus. Le match retour est alors le point de rendez-vous obligé lors duquel l’affrontement sportif peut donner lieu à l’émergence de violences. Anticipé imaginairement par les protagonistes, il est d’autant plus attendu pour en découdre qu’entre les deux matchs se sont accumulées les rancoeurs et les ressentiments. « La violence appelle la violence » est une formule entendue pratiquement lors de chaque groupe de travail. Elle signifie qu’il y a bien une origine aux violences et que celle-ci naît de l’affrontement sportif. Ses effets se prolongent au-delà du temps de la rencontre. Le fait, par exemple, que certains joueurs aient subi des sanctions perçues comme injustes lors du premier match (avec suspensions) peut entraîner le désir d’en découdre. Cette ambiance tendue entre deux équipes peut aussi se retrouver d’une saison à l’autre, compte tenu du souvenir commun des troubles passés. Et même si les violences qui en résultent peuvent se dérouler en dehors du terrain (sur le parking ou dans les tribunes), tout le monde s’est accordé à dire qu’elles « commencent sur le terrain ». Enjeux sportifs et résultats La tension s’amplifie d’ailleurs en fonction des enjeux sportifs de la rencontre. Là encore, tous les acteurs se sont accordés pour dire que les matches à enjeu (montée ou descente dans la division supérieure ou inférieure, qualification…) font « monter la pression ». Sur le terrain comme dans les tribunes, l’atmosphère est tendue. Néanmoins, la tension peut être perceptible lors de chaque match, à partir du moment où le résultat est indécis. Les derniers moments du match apparaissent comme particulièrement favorables aux incidents. Ces données rapportées par les acteurs du football font bien du match le déclencheur des hostilités. Les enjeux sportifs se muent en enjeux symboliques. « Ne pas perdre », « ne pas descendre » se confondent avec « montrer qui on est » ou « montrer qu’on en a ». De la violence comme initiation au masculin La catégorie des moins de 18 ans et, à un degré moindre celle des moins de 16 ans, est apparue comme une catégorie dans laquelle les violences apparaissaient le plus régulièrement, ou bien dans laquelle la régulation des comportements est la plus difficile à mettre en œuvre pour l’encadrement. Il semblerait que la volonté de s’affirmer en tant qu’homme incite les jeunes garçons à recourir à la violence. « S’imposer », « ne pas se laisser monter sur les pieds », « se faire respecter », « ne pas se dégonfler » sont des formules qui sont revenues régulièrement pour caractériser cet apprentissage de la virilité. Dans cette perspective, le recours aux violences physiques est un élément de l’affirmation masculine de soi. DES REPRESENTATIONS A L’ACTION, QUELQUES PERSPECTIVES : EMERGENCE DE PROJET, ACCOMPAGNEMENT ET SOUTIEN Les deux années passées auprès des acteurs du football amateur du Languedoc-Roussillon permettent de lister un certain nombre de propositions visant à réguler les violences. Du recueil d’information ont émergé des projets de prévention, entraînant l’équipe « prévention et éducation santé et sport » de la DRDJS à proposer un accompagnement et un soutien aux acteurs désireux d’agir en ce domaine. La simple participation aux discussions a en effet déclenché, chez certains, la volonté d’agir à leur niveau. Si toutes les propositions qui vont suivre ne vont pas être mises en œuvre, leur répertoire constitue un bon analyseur de la manière dont sont perçues les violences et les manières de les réguler. Globalement, deux grandes catégories se dégagent : des mesures qui peuvent être qualifiées de structurelles (disciplinaires, organisationnelles, réglementaires) et des mesures liées à la dimension relationnelle et éthique. Catégories de propositions : La classification des propositions n’est pas hiérarchique. Elle est proposée pour rendre compte des conceptions qui se sont dégagées des discussions, voire affrontées dans les débats. Propositions disciplinaires et réglementaires : Parmi elles, figure la mise en place d’une politique disciplinaire « moins laxiste » de la part du district. Selon cette vision, les sanctions ne sont pas véritablement dissuasives et aucune mesure n’est prise vis à vis des clubs dont on sait qu’ils sont « à problème », générant des bagarres fréquentes. Ces propositions visent également à renforcer les sanctions concernant les agressions sur des entraîneurs, des arbitres ou des dirigeants. Il s’agit alors de faire évoluer les sanctions et le règlement en fonction de l’évolution des fautes commises sur le terrain, jugées par les porteurs de ces propositions comme « de plus en plus nombreuses et violentes ». Ces mesures ne se résument pas à une demande de durcissement des sanctions. Elles peuvent aussi générer des perspectives expérimentales, comme le Carton Blanc qui permet l’exclusion temporaire d’un joueur . Des mesures d’observations sont aussi préconisées qui consistent à prévoir la présence d’un délégué anonyme dans les gradins lors des matchs « sous tensions » afin de permettre un rapport plus objectif et détaillé des événements. Toutes les propositions réglementaires ne s’inscrivent pas dans une vision répressive. Le fait de supprimer les classements dans les catégories poussins/benjamins est proposé pour diminuer l’enjeu des rencontres, notamment pour atténuer l’investissement symbolique des parents des joueurs. D’une manière générale, une telle proposition se justifie par la volonté de se centrer davantage sur la progression des joueurs que sur le résultat de l’équipe. Propositions sur l’organisation : Un objectif est affirmé du point de vue de l’organisation qui consiste à palier à la pénurie d’arbitres. Alors que l’arbitre a pu paraître parfois à l’origine de certaines violences nées de la contestation de ses décisions, un consensus se dégage autour du fait que la présence d’un arbitre officiel est au contraire une garantie que des violences ne se produisent pas. En l’absence d’arbitre officiel, c’est un bénévole qui officie. Par ailleurs, même lorsque qu’il y a un arbitre central officiel, les juges de ligne sont souvent des bénévoles appartenant aux clubs qui jouent d’où des litiges fréquents liés à la partialité dans le signalement des fautes ou des hors-jeu. De la même matière, l’augmentation du nombre d’éducateurs « professionnels » est apparue comme une garantie en matière de régulation des violences. Si les clubs avaient des moyens financiers pour recruter des éducateurs pour chaque équipe, les débordements seraient moins nombreux selon les acteurs qui préconisent la création de dispositifs d’aide à l’embauche. Toujours dans le cadre de l’organisation, il a été suggéré de travailler sur l’aménagement des lieux de façon à accueillir convenablement les équipes comme leurs supporters et d’éviter ainsi la frustration. Ces propositions résultent de valeurs souvent avancées pour atténuer les risques de violence : l’accueil et la convivialité. Propositions sur la communication : La question des relations humaines est apparue comme un élément central qui, finalement, a pris plus de place dans les débats et plus d’importance dans les propositions que les mesures de type disciplinaire. C’est dans cet état d’esprit qu’il a été proposer que les arbitres communiquent davantage sur le terrain en expliquant aux joueurs pourquoi ils sont sanctionnés et en annonçant par exemple clairement le temps additionnel. Il s’agit là de renforcer la fonction pédagogique de l’arbitrage. Dans le même ordre d’idée, il a été proposé de mettre en place des échanges réguliers entre les dirigeants, éducateurs, bénévoles des clubs évoluant dans le même championnat, le fait de connaître l’équipe, l’éducateur ou les dirigeants adverses apparaissant comme un élément facilitant pour désamorcer les tensions éventuelles. Propositions sur les valeurs et l’éthique : La convivialité est apparue comme une valeur centrale à partir de laquelle de nombreux problèmes pouvaient être évités. Des mesures simples ont été recommandées comme le fait de venir accueillir à la fois les équipes invitées et les arbitres, de se serrer la main, de proposer une boisson à la mi-temps ou à la fin du match… Il a aussi été souligné l’importance de se rencontrer entre éducateurs ou dirigeants, ou encore que les arbitres (licenciés dans un club) soient plus régulièrement sollicités au sein du club pour par exemple former les joueurs aux lois du jeu. Dans la continuité des propositions liées à l’accueil, à la convivialité et à la communication la promotion du fair-play est apparue comme un élément récurrent, ce qui a donné lieu à plusieurs suggestions. Parmi elles, figure la mise en place d’une campagne d’affichage généralisée et permanente s’adressant à toutes les personnes venant au stade (parents, éducateurs, bénévoles, famille, joueurs, supporters…) et permettant de diffuser des messages contre la violence, campagne qui pourrait être couplée à la rédaction d’une charte impliquant tous les acteurs du club (joueurs, parents, dirigeants). Cela pourrait être prolongé par la mise en place d’une commission de discipline interne au sein de chaque club. Elle n’attendrait pas que le district réagisse pour prendre des mesures et mettre en place une politique interne visant à « tenir ses propres supporters » ou ses propres joueurs. Propositions de formation : Enfin, la formation a été considérée comme un lieu incontournable de toute action de prévention par l’ensemble des personnes consultées et cela en direction de toutes les composantes. Le désir de favoriser et de faciliter l’accès à la formation d’initiateur par des cours du soir et/ou en multipliant le nombre de ces formations s’inscrit dans la politique de l’équipe technique régionale, parce que des personnes intéressantes et intéressées ne peuvent pas se permettre de prendre 5 jours de congés pour suivre cette formation. En outre, pour les acteurs s’étant exprimés sur la question, cela permettrait aux éducateurs en place dans les clubs de choisir les initiateurs qui interviennent auprès des équipes de jeunes et qui les accompagnent aux matchs. En l’état actuel, les éducateurs n’osent pas toujours critiquer les initiateurs/bénévoles, même s’ils ne contribuent pas au maintien d’un climat amical en match car le club ne peut pas se passer d’eux pour accompagner les équipes de jeunes et parce qu’il n’y pas d’autres personnes pour les remplacer. Dans le même ordre d’idée, il est proposé la mise en place de mesures de reconnaissance qui valorisent les bénévoles impliqués dans la vie du club, en instituant par exemple un statut de personne-relais ou de personne-ressource qui pourrait être labellisé par le district. Les formations sont préconisées également en direction des arbitres voire des dirigeants. L’enjeu consisterait à les doter d’outils leur permettant d’identifier les signes précurseurs d’une violence potentielle de façon à la désactiver. EN GUISE DE CONCLUSION : USAGE DES DIFFERENTS NIVEAUX DE POUVOIR ET PERSPECTIVES Les débats ont fait apparaître à tous les niveaux le cloisonnement des pouvoirs et la difficulté à se rencontrer entre acteurs du football local. Même si certaines initiatives ont eu lieu par le passé, l’ensemble des acteurs ayant participé aux forums a souligné l’intérêt de se rencontrer pour discuter ensemble du problème de la violence et des incivilités. Une attente spontanée s’est dégagée qui attend « des autorités » des mesures visant à faire cesser les violences dans le football amateur. Face à cette perception naïve et attentiste, d’autres positionnement sont apparus, visant au contraire à utiliser l’autonomie de chacun des niveaux de pouvoir afin de définir une politique locale (en termes d’objectifs et de moyens) tenant compte des spécificités géographiques et culturelles (environnement rural, urbain, richesses, etc.). L’ensemble des éléments abordés par les participants au cours des différents temps d’écoute ont permis de construire, depuis les forums, des propositions d’intervention adaptées aux problématiques rencontrées par les acteurs de terrain. Ces propositions d’intervention sont élaborées avec les acteurs et reposent sur la prise en compte des initiatives, qu’elles proviennent des autorités institutionnelles (districts), des familles d’acteurs (dirigeants, éducateurs, arbitres, joueurs…) ou de structures locales sportives ou non… Ainsi, des projets ont émergé des forums. Le District de l’Hérault a par exemple organisé en octobre 2007 quatre demi-journées de sensibilisation à destination des équipes de promotion d’honneur, de première division de district et des moins de 18 ans. Etaient invités les éducateurs, mais aussi les capitaines d’équipes. La Maison des Jeunes et de la Culture de Gruissan dans l’Aude a initié une sensibilisation à la violence dans tous les sports pratiqués sur la commune, à l’initiative d’un arbitre ayant participé à la rencontre d’Alzonne. Un tournoi de football est prévu pour 2008 à Lédignan, dans le Gard qui conclura un travail sur la violence piloté par les jeunes joueurs et les jeunes joueuses du club… L’intérêt des discussions menées durant deux ans se situe, bien entendu, au niveau des informations recueillies. Mais il est indéniable pour les acteurs qui se sont saisis d’un projet, pour agir à leur niveau et en tenant compte des réalités auxquelles ils sont confrontés. |
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> Summary
> Editorial
> 1 - Régualtion cognitives, construction des règles et de la notion de justice chez des enfants de 6 à 12 ans vivant en Zone Urbaine Sensible
> 2 - L'éducation physique au 20ème siècle : une "discipline" scolaire structurée par la violence ?
> 3 - Violences dans le football amateur : mieux vaut prévenir que guérir
> 5 - Towards a theoretical understanding of violence in ice hockey
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