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Violence vécue par des jeunes enseignants du secondaire et décrochage de la profession
by Jeffray,Denis, professeur titulaire, faculté des sciences de l’éducation, université laval, And Fu, Sun, Professionnel de recherche au CRIFPE-Laval

Theme : International Journal on Violence and School, n°2, December 2006

Dans ce texte, nous présentons les résultats d’une recherche portant sur la violence subie par des enseignants en insertion professionnelle qui pratiquent dans des écoles francophones du Québec. Nous avons cherché à savoir si la violence subie par ces enseignants conduit à l’abandon de la profession. Les données ont été recueillies entre 2002 et 2003 dans plus de 220 écoles différentes de toutes les régions du Québec. L’échantillon des jeunes enseignants se compose de 529 individus. Notre enquête montre que la plus grande majorité d’entre eux (94 %) a vécu au moins une fois un événement violent depuis le début de leur carrière (4 ans et moins). L’analyse de corrélation nous a permis de mettre en évidence des indicateurs significatifs pour mesurer le niveau de victimisation. Des analyses plus avancées nous ont permis d’identifier les facteurs déterminants en fonction des types de violence et du contexte les entourant.

Keywords : Enseignants du niveau secondaire, violence au travail, insertion professionnelle, abandon de la profession. .

Le texte en format PDF ici.

IntroductionDes études récentes montrent qu’un nombre important d’enseignants délaisse le métier après quelques années de pratique (Gold, 1996). Aux États-Unis, le décrochage de la profession est devenu un problème majeur. Les taux d’abandon varient en fonction des États, de la localité et de la population scolaire, mais oscillent entre 30% et 50% après quelques années d’enseignement. En Belgique, une étude récente montre qu’un enseignant sur deux quitte la profession au cours des cinq premières années de pratique (Lecocq et al., 2003). L’Écosse, parmi d’autres pays d’Europe, est particulièrement touchée par un exode des enseignants (Aitkin, 2002). Les données sur le décrochage de la profession sont toutefois différentes au Québec. La plus récente étude du ministère de l’Éducation du Québec montre que le cinquième des enseignants quitte leur fonction dans les cinq premières années de travail (Martel et Ouellette, 2003). Cette situation est tout de même passablement préoccupante, surtout qu’elle s’ajoute à la baisse d’inscription des étudiants dans les programmes de formation des maîtres.

Qu’est-ce qui conduit un jeune enseignant à quitter la profession? Plusieurs éléments doivent être considérés pour répondre à cette question. On peut notamment penser à des raisons d’ordre strictement personnelles, à des raisons de réorientation de carrière ou à des raisons de santé. Pour notre part, nous avons cherché à savoir s’il existe une relation entre l’abandon de la profession et la violence quotidienne que subissent les enseignants. Pour savoir si la violence subie par les jeunes enseignants est un facteur déterminant de l’abandon de la carrière, nous avons mené une vaste enquête par questionnaire auprès de tous les jeunes enseignants du secteur francophone des écoles secondaires du Québec. Nous faisons ici état de notre démarche de recherche et de nos résultats. Auparavant, nous présentons les recherches les plus actuelles portant sur la violence faite aux enseignants.




Les recherches internationales sur la violence faite aux enseignants

Bien que des progrès aient été réalisés concernant les recherches sur la violence faite aux enseignants, il n’existe aucun indicateur standard pour décrire, classer et quantifier les différents types de violence. D’emblée, soulignons la rareté des travaux savants. On peut compter sur deux recherches québécoises (CEQ, 1998; Girard, Laliberté et Dompierre, 2002), et une recherche canadienne d’importance (Lyon et Douglas, 1999). En France, on discute à profusion de violences scolaires (Debarbieux, 1999), mais les recherches menées sur la violence faite aux enseignants sont très rares. En Suisse, on peut compter sur quelques recherches récentes, mais sans intérêts pour nous. Pour la Belgique, nous avons des résultats passablement intéressants provenant de la recherche menée par Lecocq et son équipe (2003). Nous avons également trouvé quelques résultats de recherche sur la violence faite aux enseignants en Angleterre (Lyndon, 1999) et au Brésil (Abramoway et Das Graças Rua, 2003). Aux États-Unis, nous n’avons pas réussi à retracer de recherches d’envergure portant spécifiquement sur la violence vécue par les enseignants. Par contre, plusieurs organismes gouvernementaux de ce pays compilent des données sur les crimes commis contre les enseignants dans le cadre de leur fonction. Pour avoir un portrait de la situation, il faut se fier à deux sources gouvernementales: Violence in U.S. Public Schools (2003) et Indicators of School Crime and Safety (publié annuellement depuis 1998).

Nous avons réuni dans le tableau 1 les principaux résultats de quatre recherches, plus les résultats de notre recherche dont nous ferons état plus loin. D’emblée, soulignons la difficulté de réaliser une étude de comparaison étant donné des différences majeures dans les définitions de la violence, dans les méthodes pour colliger les informations, dans l’échantillon, dans le type de questions posées ainsi que dans les objectifs visés. Par exemple, pour la période investiguée, les écarts sont très importants: la violence subie est calculée depuis l’embauche, depuis la dernière année ou depuis les quatre derniers mois. L’équipe belge n’a posé aucune question sur les violences à caractère sexuel, alors que les autres équipes s’y sont intéressées sans toutefois utiliser les mêmes définitions ni les mêmes questions. Les questionnaires s’adressaient parfois à l’ensemble du personnel qui travaille dans une école, alors que le questionnaire de l’équipe de l’Université Simon Fraser a été expédié uniquement à une population d’enseignants. À ce chapitre, les populations qui constituent les échantillons sont fort variables.




Lyon et Douglas ont mené une recherche très complète sur la violence faite aux enseignants. Ils ont constitué un échantillon de 2200 enseignants qui pratiquent aux niveaux primaire et secondaire. En termes de prévalence, 50% des enseignants ont subi de la violence au moins une fois au cours de la dernière année, et 81% l’ont subi depuis l’engagement. Les trois autres enquêtes dont les données apparaissent au tableau 1 ont des échantillons mixtes d’enseignants et de membres du personnel scolaire. La CEQ a mené son enquête auprès de 437 individus des niveaux primaire et secondaire. 50% d’entre eux ont vécu au moins une fois un incident violent depuis le début de l’emploi. L’échantillon de Laliberté comprend 278 individus qui travaillent au primaire et au secondaire. 46% d’entre eux ont subi de la violence au moins une fois au cours de la dernière année. L’équipe de Lecocq a reçu 655 questionnaires remplis par des enseignants qui pratiquent, selon leurs termes, en transition générale et en enseignement de qualification. Même si l’exercice de comparaison entre ces résultats semble impossible, on peut toutefois mettre en évidence quelques constantes. La majorité des recherches sur la violence faite aux enseignants ont en commun un niveau de prévalence très élevé. Toutefois, les résultats montrent qu’un grand nombre d’enseignants n’a pas vécu de violences qualifiées de graves comme les atteintes physiques avec blessure. Par contre, la majorité d’entre eux a vécu, vit ou vivra diverses formes de violences verbales ou psychologiques. On peut affirmer que plus la violence est grave, moins elle est fréquente. En revanche, par sa chronicité, des incidents violents de moindres envergures peuvent être causes de stress et de détresses morales et psychologiques.

Verdugo et Vere (2003) soulignent que l’enseignement constitue une profession où la violence et le stress sont très présents parce que les contacts avec les élèves et les parents des élèves sont constants. À côté des incidents violents telles des fusillades, qui sont tout de même des événements très rares, on considère que la violence la plus fréquente est induite par l’indiscipline dans la classe. Les tensions créées par l’indiscipline affectent les enseignants au point de provoquer un stress dangereux pour leur santé psychologique. Debarbieux rappelle que «l’usure de l’enseignant est tout entière dans ces tensions quotidiennes: petites injures entre élèves, agitation, bruit, non-écoute, sentiment d’impuissance. Ce n’est pas forcément la classe ingouvernable, ni l’éclat des grands chahuts, mais la certitude d’une dégradation constante, de l’élargissement d’un fossé. Cela passe dans des détails en apparence anodins, mais trop souvent répétés» (1999, p. 105). À côté de cela, il faut souligner que les différents problèmes auxquels les enseignants font face, tels la consommation de drogues, la pauvreté, les conflits interethniques et interreligieux qui ont des répercussions sur leur moral et leur santé.

Il est intéressant de comparer la profession enseignante par rapport aux autres emplois sur le palmarès de la violence au travail. Nous avons recueilli, à cet égard, des données publiées aux États-Unis en 1997 et en 2002. Selon le Bureau of Justice Statistics of USA (1997), le nombre de victimes chez les enseignants du secondaire pour 1000 travailleurs se situe au 4e rang derrière les policiers, les petits commerçants et les chauffeurs de taxi pour des violences de nature physique. La situation semble s’être améliorée aux États-Unis depuis 1997. En effet, si on se fie aux données compilées par Verdugo et Vere (2003), on note que les États-Unis enregistrent une baisse de la violence faite aux enseignants, alors qu’en France et au Japon, cette violence serait à la hausse. Nous ne possédons aucune donnée cumulée sur le long terme au Canada et au Québec pour savoir si le niveau de la violence a augmenté ou diminué. En 2002, le Bureau of Justice Statistics of USA classait au 9e rang sur l’échelle de la violence au travail les enseignants du Junior High School et au 12e rang les enseignants du High School. En moyenne, une victime sur 8 fut blessée, une sur 9 a fait face à plusieurs agresseurs et 4 sur 10 connaissaient l’agresseur. Le tableau 2 présente le classement par ordre décroissant.



La cueillette des données qui mène à ce type de résultats suppose une conception de la violence qui la réduit à des crimes et des délits rapportés aux autorités policières. Par conséquent, le reproche le plus courant attribué à cette méthodologie de cueillette est qu’elle reste centrée sur les actes criminels. La distance avec les enquêtés, résultant de précautions spécifiques à la méthodologie utilisée, oblige à s’en tenir à des énoncés qui ne tiennent pas compte des représentations qu’ont les enseignants de la violence, des causes de la violence, des effets de la violence sur eux et leur milieu scolaire, des distinctions à faire entre violence et indiscipline dans la classe, et entre violences criminelles et non criminelles. Cela a certes pour effet de mettre en retrait des formes de violence spécifiques au milieu scolaire (Charlot et Emin, 1997). Même si on ne peut se fier entièrement aux résultats présentés dans le tableau 2, ils sont par contre fort utiles pour situer la violence faite aux enseignants avec d’autres types d’emploi. Aussi, on peut observer que les employés susceptibles d’être victimes de violence travaillent en interactions constantes avec des personnes et se retrouvent souvent dans des situations isolées (Vanderbos et Bulatao, 1996; Chapel et Di Martino, 2000). À cet égard, le fait que les enseignants travaillent seuls dans leur classe augmente le risque de victimisation. Toutefois, il ne faudrait pas penser que les enseignants sont uniquement victimes de la violence des élèves. La plupart des recherches montrent que les agresseurs sont également des parents d’élèves, des collègues ou des membres de la direction.

Les données de l’ensemble des recherches que nous avons recensées ne permettent pas de supposer une relation significative entre la violence vécue et l’abandon de la profession. À bien des égards, les chercheurs ne se sont pas intéressés à cette question. Nous avons par contre appris que le décrochage des enseignants est très important dans certains pays et que les enseignants sont régulièrement victimes de violence. Pour établir une relation entre les variables «abandon de la carrière» et «violence subie», il eut fallu croiser des données que nous ne possédons pas. Nous avons réalisé notre propre recherche afin de savoir si une telle relation existe. Nous pouvions supposer l’existence de cette relation puisque nous avions entendu plusieurs jeunes enseignants du secondaire témoigner de leur raz le bol de l’enseignement parce qu’ils ne peuvent plus subir le niveau élevé de stress de leur milieu de travail ou parce qu’ils n’ont pas les moyens de faire face à la violence qu’ils subissent quotidiennement. Afin de vérifier si ces enseignants allaient véritablement quitter leur métier, nous avons pensé qu’il était nécessaire de leur poser directement des questions à cet égard.




Décrochage de la profession et violence subie

Quelles sont les situations de violence les plus fréquentes dans l’école secondaire? Quels sont les impacts de la violence subie par les enseignants? Est-ce que les enseignants peuvent compter sur leur direction scolaire pour contrer la violence? Se sentent-ils en sécurité dans leur milieu de travail? Est-ce que cette violence peut amener des enseignants à quitter la profession? Notre recherche porte sur la violence vécue par les enseignants en insertion professionnelle dans des écoles secondaires francophones du Québec. Elle cherche à savoir s’il existe une relation significative entre les violences subies par les enseignants et leur désir de quitter la carrière. Rappelons que, pour le Québec, 20% des enseignants quittent leur fonction dans les cinq premières années de travail. Est-ce que ce décrochage de l’enseignement est lié à la violence qu’ils vivent? Nombre de jeunes enseignants tirent bien leur épingle du jeu alors que d’autres, au contraire, se sentent démobilisés, stressés, insécurisés, et finissent peut-être par décrocher. Certains jeunes enseignants vont de difficultés en difficultés, alors que d’autres s’en sortent relativement bien. Est-ce parce qu’ils savent mieux utiliser les ressources mises à leur disposition? Est-ce parce qu’ils ont mieux intégré les rôles sociaux associés à leur autorité professionnelle? Peut-être sont-ils mieux formés ou mettent-ils mieux en pratique les connaissances issues de leur formation? Ou peut-être sont-ils plus aptes à adopter des stratégies efficaces en situations de violence? Ceux qui s’en sortent moins bien et qui témoignent du désir de quitter la profession sont-ils moins capables de faire face aux interactions violentes avec les élèves? Quelles sont les habiletés sociales, les aptitudes et les attitudes pouvant aider un enseignant à mieux négocier avec les différentes interactions violentes dans le cadre de leur fonction? Notre recherche veut répondre à l’ensemble de ces questions. Nous avons donc essayé de connaître les enseignants risquant le plus de subir de la violence et ceux les plus susceptibles d’abandonner la profession.

Il n’est pas si simple de faire la preuve d’une relation entre la violence vécue et le désir de quitter l’enseignement puisque ce désir peut se manifester soudainement et abruptement. Aucun enseignant ne souhaite délaisser la profession pour laquelle il a payé quatre ans de formation. En fait, un enseignant ne peut anticiper son désir de quitter la profession. C’est plutôt une accumulation de situations difficiles ou d’événements de stress répétés qui suscitent une décision de ce genre. Si nous interrogeons un jeune enseignant qui pratique depuis seulement quelques années sur son désir de quitter l’enseignement parce que notamment il ne pourrait plus souffrir la violence du milieu scolaire, nous savons très bien que sa réponse devra être nuancée. Il peut encore accepter de négocier avec la violence scolaire parce que son choix d’enseigner et son amour du métier le motivent encore. Nous avons élaboré, à partir de nos résultats de recherche, des facteurs qui protègent contre l’abandon de la carrière et des facteurs qui contribuent à l’abandon. Nous y reviendrons plus loin.

Pour véritablement mettre en relation la violence vécue et le désir de quitter la profession, nous savions que nous devions questionner les enseignants sur une longue période. Nous avons choisi de les questionner à trois reprises. Nous proposons ici des résultats de notre premier questionnaire qui est le plus long et le plus détaillé. Le second questionnaire a déjà été expédié par courrier à notre cohorte et les résultats sont en cours de traitement. Le troisième questionnaire est beaucoup plus court, ce qui nous permettra de contacter nos répondants par téléphone.

Notre premier questionnaire a été envoyé entre juin 2002 et juin 2003 à plus de 2500 jeunes[1] enseignants travaillant dans une école secondaire francophone depuis 4 ans ou moins. Pour la sélection des répondants, nous avons procédé de trois manières différentes. Dans un premier temps, nous avons contacté les jeunes enseignants à partir des listes de finissants du baccalauréat en enseignement secondaire de l’Université Laval. Nous avions l’intention, au début de cette recherche, d’investiguer uniquement les régions administratives 03 et 12 qui représentent la grande région de Québec, de Portneuf à Baie-Saint-Paul pour l’axe est-ouest et de Notre-Dame-des-Laurentides à Saint-Georges de Beauce pour l’axe nord-sud. Trois chercheurs se déplaçaient dans les écoles pour rencontrer les enseignants. Cette méthode longue et coûteuse a été abandonnée pour trois raisons: les enseignants sont rarement disponibles pour rencontrer un chercheur; les déplacements en automobile pour joindre les écoles éloignées de notre centre de recherche situé dans la ville de Québec sont longs et coûteux; la présence d’un chercheur n’est pas utile pour qu’un enseignant remplisse le questionnaire. En effet, avec cette méthode, nous avons récolté un nombre très réduit de réponses. Nous l’avions choisi parce que nous pensions qu’il était opportun qu’un chercheur soit présent auprès de l’enseignant lorsqu’il remplit le questionnaire afin de l’assister au besoin. Nous avions préalablement mis notre questionnaire à l’épreuve avant de l’administrer, mais il nous semblait tout de même pertinent d’accompagner les enseignants. Or, la passation des premiers questionnaires en présence d’un chercheur nous a permis de confirmer que malgré sa complexité et sa longueur – plus d’une heure pour le remplir –, il ne posait pas de problèmes de compréhension aux enseignants.

Lorsque nous avons pris la décision de mener la recherche sur tout le territoire québécois, nous avons opté pour deux méthodes plus efficaces pour rejoindre les répondants. La première a été utilisée pour les régions éloignées. Elle consiste à expédier par la poste des questionnaires à un membre de la direction scolaire qui assume la responsabilité de les distribuer aux jeunes enseignants de son école. Une lettre explicative informe le membre de la direction scolaire du but de l’enquête, du respect de la convention éthique en recherche et des procédures à suivre. La limite de cette méthode était bien sûr que le membre de la direction accepte de distribuer les questionnaires. Nous avons eu quelques refus. Les régions du Saguenay-Lac-Saint-Jean, de l’Outaouais, de la Côte-Nord, de la Gaspésie, de l’Est du Québec et de l’Abitibi-Témiscamingue ont été investiguées par cette méthode.

La seconde méthode a été plus fructueuse. Un chercheur de l’équipe se déplaçait dans une école pour rencontrer un membre de la direction scolaire. Il lui expliquait notre démarche et lui demandait la permission de distribuer les questionnaires aux jeunes enseignants de son école. Nous avons essuyé quelques refus de directions scolaires, mais la majorité d’entre elles ont accepté de nous laisser distribuer nos questionnaires. Nous avons utilisé cette méthode pour la grande région de Montréal, la Montérégie, l’Estrie, le Centre du Québec, Lanaudière, Trois-Rivières et la Côte-du-sud.

Sur les 2500 questionnaires distribués, nous avons reçu 554 réponses. Nous avons écarté une quinzaine de questionnaires parce qu’ils nous sont parvenus trop tard. Parmi les questionnaires reçus dans les délais, 529 étaient dûment remplis. Nous avons donc conservé ces 529 questionnaires pour l’analyse, soit un taux de réponse de 21%. Bien que ce taux ne soit pas particulièrement élevé, on peut le qualifier de relativement satisfaisant si l’on considère qu’il fallait plus d’une heure pour répondre au questionnaire composé de plus de 750 énoncés, que la violence demeure un sujet à la fois délicat et tabou, et que quelques centaines de questionnaires ne se sont pas rendus jusqu’aux enseignants pour les raisons évoquées plus haut.

Nous avons donc construit ce questionnaire afin de connaître: 1) la prévalence et la fréquence de la violence vécue par les enseignants, 2) les facteurs de victimisation, 3) les impacts de la violence sur les enseignants, 4) leur satisfaction au travail, 5) leur cheminement de carrière, 6) leur profil académique et leur profil de personnalité.

Les données ont été recueillies entre 2002 et 2003 dans plus de 220 écoles secondaires, des secteurs privé et public, de presque toutes les régions du Québec. Parmi l’échantillon des jeunes enseignants ayant répondu au questionnaire (N=529) se retrouvent 161 hommes (30%) et 368 femmes (70%). Ce qui correspond bien à la répartition du sexe de la population des jeunes enseignants au secondaire au Québec. Parmi eux, 95% des répondants sont nés au Québec, 5% sont nés dans une autre province du Canada ou à l’étranger. Quant à leur état civil, 22% vivent seuls et 78% habitent avec leur famille ou avec un conjoint ou une conjointe. Le quart de ces enseignants ont des enfants. 95% ont un profil ethnoculturel canadien-français; seulement 5% appartiennent à une autre culture ethnique. L’âge moyen de cet échantillon est de 28 ans avec un écart-type de 5 ans. La majorité des enseignants (95%) sont diplômés de l’une des 10 universités québécoises qui offrent la formation en éducation. En 2002-2003, 7% des enseignants avaient une permanence. Par contre, ils étaient plus nombreux à obtenir un contrat à temps plein (37%).

Notre enquête nous a permis de constater que la violence que les enseignants vivent peut contribuer au désir de quitter l’enseignement s’ils ne se sentent pas soutenus dans leur travail. Cela signifie qu’un enseignant victime de violence qui se sent moins soutenu par son milieu scolaire aura plus de chances qu’un autre de quitter la profession. De telles mesures existent dans plusieurs milieux scolaires, mais elles ne sont malheureusement pas encore suffisamment généralisées. Par ailleurs, il semble que le désir de quitter l’enseignement est moins lié à un événement de violence en particulier qu’à un ensemble d’incidents violents qui suscite chez l’enseignant un sentiment d’insécurité et d’impuissance. Notre enquête ne nous permet pas de savoir si les jeunes enseignants de cette génération vivent plus de violences que les enseignants des générations précédentes, ou si l’école connaît présentement une augmentation de violence.

Nous avons pu établir une relation entre la violence vécue et l’abandon de la carrière en croisant plusieurs données. D’abord, nous avons recueilli des données sur leur désir de quitter l’enseignement. Deux questions portent sur la satisfaction au travail.

 

85,9% des enseignants disent qu’ils aiment l’école dans laquelle ils travaillent et 76,7% aimeraient travailler très longtemps dans leur école. Si on ajoute la proportion des enseignants qui aiment plus ou moins (moyennement) travailler dans la présente école, les résultats atteignent 97% et 92% respectivement. Pourtant, plus de 16,5% des enseignants désirent trouver un contrat dans une autre institution. Dans une autre question qui porte également sur la satisfaction au travail (question 63), 15,4% des enseignants manifestent le désir de changer d’école. Pour ces deux énoncés dont la formulation diffère, les résultats sont similaires, ce qui confirme le sérieux des répondants.

Le désir de changer d’école reflète une insatisfaction dans le présent milieu de travail pouvant mettre en péril l’insertion professionnelle. Si on inclut les enseignants qui ont répondu «moyennement» aux énoncés 1 et 2, 20% des enseignants environ ressentent de l’insatisfaction dans leur présent milieu de travail. L’insatisfaction conduit-elle nécessairement à l’abandon de la profession? Un groupe de 4,4% d’individus veulent quitter l’enseignement et un groupe de 13,0% exprime la possibilité de quitter le métier. Au total, 17,4% des jeunes enseignants éprouvent le désir d’abandonner l’enseignement. Ils étaient 26,3% à désirer changer de métier après avoir été affectés par la violence (question 63). En fait, presque 20% des enseignants manifestent le désir de quitter l’enseignement.

Pour mieux comprendre l’ampleur du phénomène de la violence vécue par les jeunes enseignants, nous leur avons demandé de répondre à un ensemble de questions portant sur les événements violents vécus à l’école depuis leur engagement. Notre enquête montre que la très grande majorité des enseignants interrogés (93,5%), c’est-à-dire 476 sur 529, ont vécu au moins une fois un événement violent depuis le début de leur carrière. C’est dire que la majorité des enseignants ne sont pas à l’abri de la violence dans leur milieu de travail. Toutefois, 6,5% des enseignants (34) n’ont subi aucune forme de violence depuis leur engagement.

Nos données montrent que ceux qui travaillent dans l’enseignement depuis moins d’un an sont les plus touchés par la violence. En général, ils vivent de 2 à 3 fois plus d’événements violents que leurs aînés. Tout porte à croire que les premières années dans ce «plus beau métier du monde» ne sont pas les plus faciles. Nous avions anticipé un écart dans nos résultats entre ceux qui débutent en enseignement et ceux qui ont déjà cumulé quelques années d’expérience. Même s’il n’est pas très prononcé, cet écart mérite d’être pris en considération pour avoir un meilleur portrait des enseignants qui désirent abandonner la carrière.

Nous avons divisé les incidents violents en 4 catégories. Depuis leur embauche, 90% des enseignants ont vécu au moins une fois de la violence verbale, 35% ont vécu au moins une fois un événement de violence physique, 34% ont vécu au moins une fois un événement de violence contre leurs biens, 47% ont vécu au moins une fois un événement de violence à caractère sexuel. Étant donnée le peu de place dont nous disposons ici[2], nous présentons uniquement les données sur la violence à caractère sexuel (tableau 4). Ces données montrent notamment le type d’énoncés utilisé pour colliger des informations sur cette violence. La première colonne indique l’énoncé, la seconde le nombre d’enseignants qui a répondu par l’affirmation à la question, la troisième le nombre moyen d’événements vécus depuis l’embauche et les quatre colonnes suivantes indiquent l’agresseur.



Si on regarde de près le tableau 4, les blagues grivoises et les remarques sexuelles déplacés sont les atteintes contre l’intégrité de l’enseignant les plus fréquentes et proviennent généralement des élèves, quoiqu’un collègue, un membre de la direction ou un parent puisse aussi en être l’auteur. Les jeux de séduction et les propositions indécentes sont aussi passablement fréquents. 33 enseignants ont été l’objet de frôlements ou d’attouchements non désirés, ce qui constitue une agression dans le sens juridique du terme. Pour les gestes exhibitionnistes, on pense notamment à des élèves qui simulent l’acte sexuel ou la masturbation. Ces gestes peuvent être interprétés comme de la rigolade, mais constituent des actes indécents en contexte scolaire.

La fréquence des événements violents, dans leur ensemble, varie entre une seule fois et des centaines de fois. Pour la violence verbale, à titre d’exemple, 80% des enseignants de notre échantillon ont vécu, en moyenne, à 11 reprises des insultes personnelles ou des injures. La plupart du temps, les agresseurs étaient des élèves, mais ils pouvaient aussi être des parents, des collègues ou un membre de la direction. La violence physique la plus fréquente est la bousculade, vécue en moyenne 6 fois par 15% des enseignants. Pour la violence la plus grave, 10% des enseignants indiquent avoir subi l’une ou l’autre des violences physiques suivantes: gifle, coup de poing, coup de pied, tentative d’agression contre sa personne, coup avec objet ou arme. 84% des agresseurs sont des élèves de leur classe. Il faut noter que 4% des événements impliquent un membre de la famille d’un élève. Les collègues ont été nommés comme agresseurs de la violence la plus grave dans 5% des cas, et les membres de la direction dans 2 cas. La majorité des agresseurs sont de sexe masculin (71%). L’âge de l’agresseur de la violence la plus grave a une distribution en deux sommets. Pour les jeunes agresseurs, ce sont des élèves et l’âge moyen est de 15 ans. L’autre sommet est de 40 ans, ce sont les collègues, les parents d’élèves ou un membre du personnel de l’école. Nos résultats montrent que les enseignants subissent plus de violence que les enseignantes. Quant à la violence à caractère sexuel, la proportion d’événements vécus par les enseignants et les enseignantes est presque égale.

Dans notre échantillon, 8% des enseignants se sentent plus ou moins en sécurité dans l’école, alors que 2% d’entre eux ne s’y sentent pas du tout en sécurité. Nous avons demandé aux enseignants s’ils étaient hésitants à retourner à l’école après avoir été témoin d’une situation de violence ou après avoir vécu une telle situation. 13% des enseignants se sentent moins en sécurité dans l’école après avoir vécu un incident violent ou après en avoir été témoins. Ce sentiment pourrait être ponctuel et se manifester après chaque incident violent. Mais si les situations se répètent, cela augmente leur sentiment d’insécurité.

Pour établir une relation entre le désir de quitter la carrière et la violence vécue, nous avons donc croisé toutes nos données portant sur la violence avec les données portant sur la satisfaction au travail. Nous avons pu établir que les enseignants qui désirent délaisser la profession sont plus souvent victimes de violences verbales et physiques que les autres. Or, étant donné le très haut niveau de prévalence de la violence pour l’ensemble des enseignants de notre échantillon, nous avons dû mener plusieurs analyses pour mieux connaître la population des enseignants faisant partie du groupe composé de ceux qui veulent définitivement quitter le métier (4,4%) et de ceux qui émettent le désir de le quitter (13%). Nous avons cherché à connaître les variables qui, additionnées à la violence vécue, peuvent contribuer au désir de quitter la profession. Nous avions émis un certain nombre d’attentes concernant des variables bien précises. Après l’analyse, plusieurs variables – région, sexe, type de contrat, matières enseignées, avoir été élève dans l’école où on travaille, avoir un autre emploi que l’enseignement, enseigner dans plus d’une école à la fois – se sont avérées non significatives. Les variables en corrélation avec le désir de quitter l’enseignement ont été regroupées en 7 facteurs de risque. Un ensemble de variables compose un facteur de risque.




Facteurs de risque contribuant au décrochage de la professionLe premier facteur de risque est lié à l’anxiété et à la fragilité des émotions. Il appert qu’un enseignant qui soutient mal une tension élevée dans la classe éprouvera plus de difficultés que les autres. Le deuxième facteur de risque touche à la présence de violence entre élèves dans l’école, tels des conflits raciaux ou ethniques, des vols ou des méfaits, du vandalisme, du taxage, des bagarres et des bousculades agressives. Cela signifie qu’un climat de violence dans l’école a des effets sur le désir de quitter l’enseignement. La présence de cette violence, même si elle n’est pas dirigée contre un enseignant, crée chez lui une tension très élevée. Le troisième facteur de risque concerne le sentiment d’insécurité dans l’école. Même si le sentiment d’insécurité est une donnée foncièrement subjective, on peut croire qu’il affecte grandement les enseignants dans leurs interventions avec les élèves et leurs parents. Parmi toutes les formes de violence vécue par les enseignants, il semble que la violence verbale, plus fréquente, augmente le désir de quitter la profession. Il est à noter que la violence de la part des parents a une influence significative sur le désir de quitter l’enseignement. La violence contre les enseignants constitue le quatrième facteur de risque. Le cinquième facteur de risque tient à la perception qu’a l’enseignant de sa direction scolaire. Par exemple, s’il a l’idée que la direction croit qu’il tient mal sa classe, ou si l’enseignant croit que la direction ne peut l’aider dans sa gestion de classe, le lien de confiance entre l’enseignant et la direction est fragilisé. Cela augmente le risque de délaisser la profession. Le cinquième facteur se compose de toutes les variables qui concernent la qualité des relations avec les collègues. Plus les relations sont distantes, froides ou non collaboratives, plus le risque de quitter est grand. Le septième facteur concerne le désir de trouver un contrat dans une autre institution scolaire. Nous avons établi une relation significative entre le désir de changer d’école et le désir de quitter l’enseignement.

Nous avons mené une analyse intégrale avec l’ensemble de nos données pour connaître les variables pouvant contribuer autant au désir de quitter l’enseignement que d’y rester. Le résultat montre que la prédiction atteint 96,1% pour les enseignants qui veulent rester en enseignement et 49,5% pour les cas de décrochage. Les variables suivantes sont sorties de cette analyse: 1) développer des relations de qualité avec les collègues, 2) se sentir accueilli et soutenu par la direction, 3) participer à des activités parascolaires avec les élèves, 4) avoir une bonne connaissance de la réalité scolaire avant l’emploi, 5) savoir que de nombreux élèves éprouvent des problèmes de comportement et savoir comment intervenir avec eux, 6) se sentir près des élèves dans l’école, 7) la confiance en soi, 8) la fragilité émotionnelle, 9) l’âge (on désire quitter après un an ou deux de travail).

Comment interpréter ces variables? Chaque variable peut être analysée en termes de risque d’abandonner la profession ou en terme de protection contre l’abandon de la profession. Par exemple, les enseignants qui participent à des activités parascolaires avec les élèves risquent moins que les autres de quitter la profession. A contrario, ceux qui refusent de participer à ces activités ont plus de chance d’abandonner la profession. Chacune des 8 premières variables peut être compris dans le sens du risque de décrochage ou de protection contre le décrochage.

Pour la variable «âge», nous savions que plus un enseignant est âgé, plus il a vécu d’événements violents. Mais cette relation ne pouvait confirmer qu’il vivait plus ou moins de violence que les autres. Ici, l’âge prend un tout autre sens. En effet, l’analyse montre que les enseignants qui débutent peuvent tenir le coup au moins pour la première année sans trop se poser de questions sur leur désir de rester ou de quitter l’enseignement. C’est au cours de la deuxième et de la troisième année qu’ils s’en poseront. Les jeunes enseignants qui aiment s’impliquer dans des activités avec les élèves auraient plus de chance de persévérer dans la profession enseignante. Ce sont assurément des enseignants qui se sentent près des élèves, qui ont plus de facilité à entrer en relation avec eux, qui partagent leur temps à l’heure du lunch ou après l’école avec eux, qui peuvent, à l’occasion, organiser des sorties – pour une journée ou plusieurs jours – qui s’occupent d’activités sportives et culturelles dédiées aux élèves. On peut dire qu’ils connaissent mieux les élèves et que les élèves les connaissent mieux. En somme, leur engagement auprès des élèves est notable. Ces enseignants avaient une meilleure idée du milieu scolaire avant d’y venir enseigner. Aussi, ils semblent mieux connaître les problèmes de comportement qu’éprouvent certains élèves. À vrai dire, c’est la question de la préparation à l’enseignement qui est ici en jeu. On doit insister sur le fait qu’une bonne formation à la profession enseignante est un atout important pour persister dans ce métier. Surtout une formation qui touche au thème de la gestion de la discipline dans la classe. La qualité de la relation avec les collègues est un atout majeur pour persister dans ce métier. Lors d’une situation difficile, il sait qu’il peut compter sur leur aide. Les variables associées aux capacités relationnelles ont toutes été significatives depuis le début de nos analyses. S’il existe dans l’école des mesures pour soutenir un enseignant lors d’un conflit avec un élève, il se sentira d’emblée plus en confiance dans ses rôles d’autorité. En fait, il sait qu’il peut compter sur la direction en cas de problèmes graves. Le soutien des jeunes enseignants ne devrait pas se limiter qu’à la première année puisque l’analyse montre que c’est surtout après un an ou deux de travail qu’un jeune enseignant envisage de quitter l’enseignement. Certaines variables, comme la fragilité émotionnelle et le manque de confiance en soi, accentuent le risque que l’enseignant délaisse la profession. Sur ce point, nous constatons que les jeunes enseignants qui ne sont pas sûr d’eux-mêmes (5,4%) éprouvent des difficultés en insertion professionnelle.

L’identification des variables de risque et des variables de protection de la violence est la première étape dans l’établissement de règles pour la prévention de la violence faite aux enseignants. Cette identification permet d’élaborer des programmes d’intervention ciblés. Certaines de ces variables sont plus faciles à considérer que d’autres. Par exemple, les variables liées à l’accueil et aux soutiens relèvent d’un effort supplémentaire d’une direction scolaire pour implanter un programme d’insertion professionnelle. Les variables liées à la connaissance des problèmes de violence, à la connaissance des jeunes, à la gestion de classe relèvent de la formation. Dans les programmes de formation universitaire, il est certain qu’un ou deux cours sur ces thèmes devraient être créés. Ces thèmes pourraient également être offerts en formation continue. Les variables liées aux relations entre collègues, à l’amour du métier, à l’aisance dans la classe dépendent de la personnalité d’un enseignant. Il n’est pas impossible de prendre en compte ces variables, par exemple, en misant sur l’organisation d’activités sociales entre collègues et sur un sentiment d’appartenance à l’école, mais la motivation à cet égard appartient à chaque enseignant. Ceux qui sont plus fragiles et qui ont moins d’assurance doivent assurément être plus soutenus. Par conséquent, toutes activités d’accueil, de soutien et toutes activités sociales pourront leur être bénéfiques. Ce sont souvent des activités sociales plutôt simples qui font la différence, et qui doivent, pour des raisons de protection contre la violence, être valorisées.




Conclusion

Nous avons soutenu plus tôt que la violence que vivent les enseignants peut contribuer au désir de quitter l’enseignement s’ils ne se sentent pas soutenus dans leur travail. Cela signifie avant tout qu’une direction scolaire qui accueille ses enseignants, qui fait preuve de leadership dans la prévention de la violence, qui agit avec clarté et cohérence dans la gestion de la discipline avec les élèves, qui organise des rencontres pour faciliter les relations entre enseignants, établit un milieu de vie scolaire propre à prévenir l’abandon de la profession. En somme, des mesures d’insertion professionnelle semblent nécessaires pour aider les enseignants à persévérer dans ce métier.

À côté de cela, notre recherche met en évidence que la formation universitaire des enseignants ne les prépare aucunement à faire face quotidiennement à des situations de violence avec les élèves, les parents des élèves, les collègues et les membres de la direction. En effet, ils ne sont pas préparés à vivre de fréquentes situations d’agressivité et rien dans l’organisation scolaire ne les protège entièrement contre la violence. Day et al. (1995) soulignent que la perception de la violence qu’ont les enseignants dépend de leur capacité de gérer les comportements turbulents des élèves et de recevoir des appuis de l’administration scolaire. Cela est directement lié, d’une part, à la formation qu’ils reçoivent avant leur entrée dans la profession, et d’autre part, au fait qu’ils ne se sentent pas seuls à affronter des situations difficiles. Ces mêmes auteurs ont également examiné les politiques scolaires de prévention de la violence. Une proportion élevée des enseignants interrogés (90%) a indiqué que leur école possède un code de vie ou un code de sanctions. Pourtant, la moitié d’entre eux ne connaissent pas l’existence d’une procédure de gestion de la violence. Plus alarmant encore, seul un peu plus d’un tiers (38%) souligne qu’il existe un programme de prévention de la violence dans leur école. Nous retrouvons le même type de réponses dans notre enquête. Il est tout de même étonnant de constater que 26% des enseignants de notre échantillon ne semblaient pas connaître l’ampleur de la violence scolaire. Si on ajoute à ce nombre ceux qui ont répondu «moyennement», environ le deux tiers des enseignants n’avait pas une idée claire de la violence en milieu scolaire. Aussi, les enseignants croient qu’ils ne sont pas bien formés pour faire face à des situations de violence. Même si une politique de prévention de la violence existe dans leur école, ils ne semblent pas bien la connaître.

Il devient évident, à partir de nos données, que le rôle des directions scolaires est primordial pour soutenir les jeunes enseignants qui débutent leur carrière. De plus, il faudrait revoir la formation des futurs enseignants puisqu’une grande majorité d’entre eux se sentent mal préparés à faire face à toutes les situations de violence qui enveniment leur désir d’enseigner.



[1] Nous n’avons pas pu obtenir le nombre exact de jeunes enseignants en activité depuis moins de 4 ans dans le secteur francophone du niveau secondaire, ce chiffre est le résultat de nos propres calculs.

[2] Pour les résultats complets de nos travaux, on peut lire Enseigner dans la violence, Québec, PUL, 2006.



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